Les promeneurs ralentissent le pas, interdits. La scène a de quoi surprendre. Comme des paparazzi agglutinés devant une starlette, armés d’énormes appareils, six photographes pointent leur objectif dans la même direction, les uns debout, les autres à genoux, à la fois fébriles et concentrés. Tout cela en pleine nature, au bord d’une mare. L’objet de leur attention n’est pas perché sur des talons mais sur une branche haute de bruyère. C’est une libellule, de l’espèce anax empereur. Très précisément une femelle, savent ceux qui la mitraillent.
Il est à peine 8 h 30, ce samedi de début juin, et les photographes animaliers amateurs de l’association Camera Natura arpentent déjà la réserve naturelle nationale du Pinail (Vienne) depuis deux bonnes heures. Sur ses 142 hectares de landes, entre Châtellerault et Poitiers, l’ancienne carrière de pierre meulière leur offre un terrain de jeu photographique infini : 6 000 fosses d’extraction, dont 3 000 sont devenues des mares dans, sous et autour desquelles foisonne la diversité animale.
Vêtus de brun comme des chasseurs, aussi solidement chaussés que des randonneurs, les adhérents du club photo des Deux-Sèvres se sont donné rendez-vous, dès l’aube, sur le parking à l’entrée du parc. Certains ont même dormi là, dans leur camping-car, pour démarrer d’un pied reposé la sortie nature mensuelle de l’association – thème du jour : photographie rapprochée. Les mines sont encore chiffonnées, les Thermos de café et gâteaux maison à peine sortis des coffres de voiture que s’engage un échange savant avec celui qui encadre la virée, Laurent Bourdin, couvert ce jour-là d’un bob mais riche de deux casquettes : guide naturaliste et photographe professionnel.