Au cimetière municipal de L’Aigle (Orne), Mohamed Ait-Zahra astique, brosse, balaie avec application, à l’approche de la Toussaint. Environ 70 tombes, sur les milliers que compte le site, sont sous la protection de cet autoentrepreneur de 51 ans, spécialisé dans le nettoyage de sépultures. La période est, pour lui, la plus chargée de l’année. Le recueillement s’accommodant mal de la poussière et du chiendent, les demandes des familles affluent avant le week-end de célébration des morts (les 1er et 2 novembre). « Ma grande fierté, dit-il, est de faire briller les tombes dont on me confie l’entretien. » Rien ne l’accable plus en effet que la décrépitude qui, le temps aidant, défigure les stèles. « Il y a beaucoup de monde autour des morts quand il s’agit de toucher l’héritage ; beaucoup moins après, pour garder leur tombe en bon état », constate-t-il.
Mohamed Ait-Zahra a créé en 2022 sa société appelée C & M, raccourci de clean (« propre ») et Mo (pour Mohamed). Arrivé du Maroc à l’âge de 6 ans, ce titulaire d’un CAP de tourneur-fraiseur a longtemps travaillé dans le secteur du nettoyage en région parisienne. Un matin, son patron lui a dit : « Si tu dois monter un jour ta boîte, veille à rester “humain” dans tes relations professionnelles. Cela te ramènera des clients. » Mohamed Ait-Zahra s’en est souvenu en signant ses premiers contrats avec des commerces et des agences immobilières de L’Aigle où il s’est installé par amour pour une femme. Après la mort de son beau-père, c’est lui qui est venu régulièrement briquer sa tombe. « Les prix proposés par les entreprises de nettoyage étaient abusifs, dans les 150 euros. C’était profiter du désarroi des gens face au deuil », confie-t-il.