Ce ne pouvait être que lui. Samedi 6 juillet, le colonel Assimi Goïta a été désigné président en exercice de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Un titre essentiellement symbolique, à l’issue d’un sommet qui l’était tout autant : ce jour-là, à Niamey, au Niger, le putschiste malien et ses camarades burkinabé, le capitaine Ibrahim Traoré, et nigérien, le général Abdourahamane Tiani, se retrouvaient tous les trois pour la première fois.
De quoi faire une photo de famille en treillis et, surtout, persister dans leur logique de rupture souverainiste, en annonçant notamment la création d’une « confédération des Etats du Sahel » dont les contours concrets demeurent flous.
Que la présidence tournante de l’alliance sahélienne soit d’abord confiée au colonel Goïta n’a rien de surprenant, tant ce taiseux, officier des forces spéciales maliennes, a été un précurseur qui a montré la voie à ses deux voisins. Premier à être arrivé au pouvoir par la force, à Bamako, en août 2020, à l’issue d’un putsch d’un quarteron de colonels qui l’ont mis en avant parce qu’il était le plus consensuel d’entre eux, ce militaire de terrain, souvent raillé pour son manque d’éloquence, n’est pas un idéologue mais a su habilement s’adapter pour se maintenir au pouvoir.
Souverainisme flirtant avec le populisme, rupture avec la France et les Occidentaux, mise au pas des opposants civils et militaires… Au fil des mois, il a – de manière purement opportuniste, affirment ses détracteurs – appliqué une politique dont il a rapidement compris qu’elle séduisait les masses.
Quand leur tour est arrivé, respectivement en octobre 2022 à Ouagadougou et en juillet 2023 à Niamey, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tiani ont logiquement appliqué la recette malienne – le capitaine burkinabé allant même jusqu’à dissimuler son visage avec un cache-cou, à la manière de Goïta.
« Quand IB [le surnom de Traoré] est allé à Bamako, un mois après son putsch, il a été séduit par le discours des Maliens. Ils l’ont totalement convaincu et lui ont même conseillé des orientations, notamment celle d’écarter rapidement tous les officiers qui étaient gênants pour sécuriser son régime », raconte un militaire burkinabé qui a requis l’anonymat.
Dans les semaines qui suivent, les appels entre le colonel malien et le capitaine burkinabé sont réguliers, le premier faisant presque office de conseiller officieux du second. Plusieurs délégations ministérielles maliennes sont aussi envoyées à Ouagadougou pour travailler à un rapprochement avec les nouveaux maîtres du pays. De leur côté, des membres de la présidence burkinabée font le voyage inverse, pour peaufiner leur coopération avec Bamako.