Le temps, la vie. Tout file, tout s’échappe. Ce flux continu et inexorable, qui a patiemment mijoté dans la Cocotte-Minute de la danse selon Philippe Decouflé, s’évapore dans des effluves mémoriels intrigants au cœur de sa nouvelle pièce Entre-temps. Neuf interprètes, dont les âges courent de 38 à 72 ans, nous entraînent dans deux tableaux à l’opposé. L’un, en noir et blanc, puis l’autre, multicolore, glissent de l’aujourd’hui, plutôt d’attaque malgré le vieillissement, à l’hier en pleine forme. De l’un à l’autre, la ligne de danse reste stable dans cet intervalle de l’art qui fait momentanément oublier que tout est déjà (presque) fini et c’est très beau.
« On avait 18 ans, les pieds sales et l’envie d’être danseur », se souvient Decouflé, dont le premier spectacle, Vague Café, fut créé en 1983. On retrouve ici, dans le casting, sa partenaire de l’époque, Michèle Prélonge, alias Michou, « danseuse épisodique et vintage », le chorégraphe Dominique Boivin, avec lequel Decouflé fit ses études à la fin des années 1970 au Centre national de danse contemporaine d’Angers, et encore Eric Martin, Alexandra Naudet et Christophe Waksmann, qui collaborent avec l’artiste depuis plus de trois décennies. Sur le plateau de l’Espace Chapiteaux, à La Villette, toute la petite troupe plurigénérationnelle se serre les coudes dans les mailles souples de cet Entre-temps qui veut conjuguer le geste au présent éternel.