Il est 14 heures dans la salle d’attente du bâtiment orangé de l’hôpital Nasser. Une projection macabre touche à sa fin. Depuis 9 heures, assises sur des chaises en plastique disposées en rangées, des dizaines de familles gazaouies scrutent, graves et concentrées, l’écran sur lequel défilent des photos de corps en décomposition, méconnaissables, parfois démembrés, éborgnés, édentés, et figés dans des postures effroyables. Ce sont les dépouilles mortelles de détenus palestiniens restituées par Israël en échange d’otages israéliens, dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu entre l’Etat hébreu et le Hamas, signé le 10 octobre. Au total, 400 corps devraient être rendus.
Dans la pièce règne un silence pesant, fendu parfois par des sanglots étouffés, des gémissements ou des prières murmurées. Les familles doivent endurer ce supplice, car le processus de reconnaissance des corps repose presque entièrement sur elles. Remises par les Israéliens par le biais de la Croix-Rouge, les dépouilles mortelles ne sont accompagnées d’aucune identification ni d’informations sur les circonstances de leur décès (les témoignages et les images ont été recueillis par téléphone portable, Israël interdisant toujours l’accès à la bande de Gaza à la presse internationale).