Le coût des Jeux olympiques (JO) de Paris 2024 croît au fil du temps : 6,7 milliards d’euros dans le dossier de candidature en 2017, 8,8 milliards fin 2023, probablement entre 9 et 10 milliards le 8 septembre 2024, lors de la clôture des Jeux. Soit un dépassement d’environ 35 % à 50 % du coût initialement envisagé. Paradoxalement, c’est une bonne performance ! Depuis cinquante ans, le coût des JO a toujours été dépassé, en moyenne de 100 % (deux fois plus cher qu’annoncé), avec un dépassement record (+ 1 100 %) pour les JO de Pékin en 2008. Paris 2024 serait l’un des moindres dépassements de coûts, derrière Atlanta 1996 (+ 32 %).
Comment expliquer ce phénomène récurrent ? Le Comité international olympique (CIO) possède le monopole mondial sur le « produit JO » grâce à de nombreuses clauses d’exclusivité. Pour obtenir les meilleurs Jeux possible, le CIO lance tous les quatre ans un appel d’offres en vue d’attribuer leur organisation qui met des villes candidates en concurrence, selon un processus d’enchère. Chaque ville doit surenchérir sur ses concurrentes en présentant au vote des membres du CIO un projet susceptible d’être jugé meilleur que tous les autres.
Or, la doctrine du CIO est que « les Jeux doivent payer les Jeux ». Chaque ville candidate va donc s’engager à fournir un projet fabuleux à un coût minime. Ce qui est bien sûr impossible, sauf en biaisant l’information sur les coûts réels. Les dépenses les plus fréquemment sous-estimées dans les dossiers de candidature, comme celui de Londres 2012, sont la sécurité, le budget des Jeux paralympiques, la TVA (par omission) et certains équipements. Le CIO et ses membres ne peuvent donc savoir quels sont les véritables coûts de chaque projet.
Une seule ville va subir les conséquences de ces biais informationnels, celle qui est désignée comme hôte : elle va devoir assumer les coûts effectifs et non ceux, sous-estimés, de son dossier de candidature. Pendant sept ans, les coûts réels vont donc dépasser ceux annoncés dans le dossier de candidature.
Ce mécanisme est conforme à ce que les économistes appellent la théorie des enchères. Dans tout processus d’enchère sur un objet de valeur inconnue ou incertaine, bien qu’étant la même pour tous les participants, l’enchère est remportée par celui qui surestime le plus la valeur de l’objet – ou en sous-estime le plus le coût – et surenchérit sur les offres de tous les autres participants à l’enchère. L’objet est donc acquis par le vainqueur à un prix surestimé, ou à un coût sous-estimé. Un phénomène que les économistes ont baptisé « la malédiction du vainqueur » (de l’enchère), ou winner’s curse. Le vainqueur est « maudit » : il paie plus que la valeur réelle de ce dans quoi il investit ou, dans le cas des JO, le projet va coûter bien plus cher que prévu.