Quelle importance de savoir que Lola Gruber est une autrice française née en 1972 ? Qu’elle a travaillé dans le milieu du théâtre, professe une sérieuse dilection pour la littérature venue d’Europe de l’Est, a publié un recueil de nouvelles et trois romans avant Elisabeth Lima ? Sans doute aucune. Mais le fait est que ces informations peuvent colorer la réception d’un texte. Qu’il est rare, quand on a aimé un livre, de n’avoir aucune curiosité pour la personne qui l’a écrit. Le rapport des lecteurs à la figure de l’auteur est l’un des sujets de la nouvelle fiction malicieuse de Lola Gruber, dont on imagine qu’elle s’est nourrie, entre autres, du mystère entourant l’identité d’Elena Ferrante et la fabrication de sa saga L’Amie prodigieuse (Gallimard, 2014-2018), au succès planétaire.

Mais Elisabeth Lima n’a rien d’un roman à clé et tend avec un entrain communicatif et une fantaisie résolue du côté de la fable. Il y est question de trois amis : un couple, Domenic et Livia, lui éditeur, elle, journaliste et écrivaine, et leur cadet, Camille, traducteur de poésie polonaise. Dépité d’avoir vu le très prestigieux prix de la Docte assemblée remis à un best-seller d’une qualité littéraire discutable, le trio se console autour d’un déjeuner arrosé, à l’issue duquel l’idée germe que leurs compétences techniques respectives devraient, unies, leur permettre d’écrire eux aussi un roman à même de séduire le plus grand nombre.

Sur un coin de table, ils imaginent, afin de se conformer aux goûts de l’époque, prendre pour héroïne une aviatrice dans les années 1920, et raconter à travers elle « l’histoire d’une pionnière. Et donc celle d’une conquête – ou plutôt de deux conquêtes. Celles de la liberté et du ciel. L’épopée intime d’une aviatrice ». A Domenic la documentation, à Livia, la psychologie et les dialogues, à Camille les métaphores. « Elisabeth Lima » est le nom qui figurera sur la couverture, et les coauteurs adoptent pour communiquer des précautions de conspirateurs, afin de « préserver un secret que nul ne songe encore à découvrir », en prévision du moment où le monde s’entichera peut-être d’Elle avait des ailes (le titre qu’ils ont choisi) et cherchera à savoir qui est son insaisissable signataire.

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