Au cœur de Copenhague, dans un petit immeuble d’après-guerre de brique jaune, jouxtant le château de Rosenborg du XVIIe siècle, la designer danoise Cecilie Manz possède un atelier discret, tout à son image. Ce sont trois petits studios accolés, chacun ouvert sur la rue, dont l’un sert d’atelier de dessin technique et de prototypage, le deuxième d’espace de réception et showroom, et le troisième de bureau, où elle nous reçoit.
« Pour passer de l’un à l’autre, on met le nez dehors, même en plein hiver, ce qui est sain, n’est-ce pas ? C’est ici que je dessine. Tout chez moi commence par le dessin. Aussi cette longue table est-elle coupée en deux, avec une moitié destinée à l’ordinateur et l’autre au papier [des mètres de papier sont à disposition sur un large dévidoir], parce que je ne veux pas que les activités interfèrent », explique cette adepte du croquis « en roue libre ».
Avec cette méthode d’un autre temps, Cecilie Manz, 52 ans, a forgé son succès. En plus d’être déjà entrée dans les collections permanentes du Musée d’art moderne de New York ou du Musée du design danois, à Copenhague, elle a remporté une foison de récompenses, dont le prix d’architecture Finn Juhl, en 2007, et un prix de la culture décerné par le couple princier du Danemark, en 2014. Elle a même été faite chevalière des Arts et des Lettres, à Paris, en 2019.
En février, lors de la deuxième édition des Scandinavian Design Awards, elle a été élue designer de l’année – après l’avoir été en France, en 2018. « Très sensible aux matériaux, aux détails, à la forme et à la fonction, Cecilie Manz a prouvé à maintes reprises qu’elle était une créatrice de classiques modernes », a argumenté le jury scandinave. Avant de poursuivre : « Ses créations semblent souvent simples, mais elles cachent sous leur surface une ingénierie complexe et un savoir-faire artisanal méticuleux. »
Cecilie Manz a démarré sur la pointe des pieds. Elle a passé son enfance dans la région d’Odsherred – terre d’inspiration pour les peintres danois depuis le XIXe siècle –, à jouer les mains dans la glaise, dans l’atelier de ses parents, céramistes. Certaines de leurs œuvres égaient son bureau : ici, contre un mur, des bas-reliefs de son père aujourd’hui disparu, et là, sur une chaise, une fine porcelaine aux décorations géométriques de sa mère, Bodil Manz, dont une exposition est programmée à Paris, du 9 au 23 octobre, à la galerie Toluca.
Cecilie Manz se destinait à une carrière d’artiste. Elle est candidate à la prestigieuse Académie royale des beaux-arts du Danemark. Et, poussée par un proche, dépose aussi – sans conviction – un dossier à l’Ecole danoise de design. « Je suis devenue designer par hasard, car, à ma très grande déception, je n’ai pas été admise à l’Académie royale des beaux-arts. C’était probablement pour le mieux », confie-t-elle.