Les festins de la liberté des Afro-Américains

Il y a du Manet dans ces déjeuners sur l’herbe, avec ces personnages alanguis entre ombre et lumière. Le photographe Ike Edeani, 41 ans, qui a saisi ces scènes de pique-nique à New York, s’est intéressé à Juneteenth, une fête familiale et amicale aux dernières heures du printemps (Juneteenth étant la contraction de June Nineteenth, le 19 juin). Cette célébration de la fin de l’esclavage prend la forme d’un immense repas partagé – souvent autour de barbecues – et accompagné de musique et de danse. Bien loin donc du sous-bois d’Édouard Manet.

Bon nombre d’Américains avaient perdu le souvenir de ce rendez-vous, quand le président Joe Biden a décidé, en 2021, d’en faire un jour férié fédéral. Une manière de faire écho aux manifestations qu’avaient suscitées, l’année précédente, les meurtres par la police de plusieurs Noirs, dont George Floyd et Breonna Taylor. Et de redonner une tonalité politique à ces rassemblements conviviaux. « La fête de Juneteenth est réapparue pendant la pandémie de Covid, après le confinement de 2020, raconte Ike Edeani. Auparavant, tout le monde l’avait oubliée et moi-même, qui suis né au Nigeria et vis depuis une vingtaine d’années aux Etats-Unis, je n’en avais jamais entendu parler. »

C’est en 1865 que tout a commencé. Le 19 juin, donc, un peu plus de deux mois après la bataille d’Appomattox, qui a mis fin à la guerre de Sécession et entériné la défaite du Sud esclavagiste, un général unioniste était arrivé au Texas pour informer les Afro-Américains de la liberté qui leur était enfin accordée. Le 19 juin sera dès lors considéré comme le deuxième jour de l’indépendance pour les Etats-Unis, après le 4 juillet.

A ses débuts, Juneteenth donnait lieu à des rassemblements commémoratifs autour de certaines églises. Puis la fête de l’émancipation a été rattrapée par le capitalisme à partir des années 1920, avec l’apparition de stands de restauration. Elle connaîtra, au cours du XXe siècle, des hauts et des bas, selon que les mouvements de défense des droits civiques occuperont ou non le devant de la scène. « Aujourd’hui, explique le photographe, les gens prennent des congés en fonction du jour où tombe le 19 juin. Cette année par exemple, c’était un mercredi et les grands pique-niques ont surtout eu lieu le week-end précédent. » Un rendez-vous essentiellement afro-américain mais honoré aussi par les partisans de l’égalité issus de toutes les communautés.

A Prospect Park, 210 hectares de bois et de prairies situés à Brooklyn, les festivités se sont déroulées cette année aux abords du lac. De 10 heures à 19 heures, des milliers de personnes sont venues se détendre les pieds dans l’herbe, déroulant des nappes, occupant les bancs ou installant leurs chaises pliantes sous les canopées.

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