Romancière, essayiste, performeuse, Wendy Delorme est aussi enseignante-chercheuse à l’université Lumière Lyon-II. Elle y travaille sur les constructions du genre et des identités dans les images et discours médiatiques. Le succès de son précédent roman, Viendra le temps du feu (Cambourakis, 2021), une dystopie inspirée des Guérillères, de Monique Wittig (Minuit, 1969), l’a consacrée comme une figure de proue de la littérature queer et féministe.
Avec Le Chant de la rivière, où le récit est alternativement pris en charge par un cours d’eau et par une écrivaine seule dans un chalet de montagne, l’autrice pensait avoir fait un pas de côté, en écrivant son « roman le plus doux, le moins militant ». « Pour moi, dit-elle au “Monde des livres”, c’était à la fois une pastorale et un thriller, mêlés de manière inattendue. » Mais on n’échappe pas si facilement au politique : « Le contexte des élections législatives, ajoute-t-elle, l’a rendu plus engagé que je ne l’avais imaginé. »
Dans les jours précédant les élections, face à la possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national, et à la menace que celle-ci faisait peser sur les droits des personnes LGBTQ+, un mouvement de libraires indépendants a en effet mis en circulation des extraits du roman sur les réseaux sociaux, retenant du Chant de la rivière cette profession de foi : « Je voudrais dire l’amour comme posture radicale en période de crise globale, planétaire. (…) L’amour qui s’élèverait comme un grand cri de joie, de résistance aussi. »
Si cette politisation du roman, au bout du compte, ne déplaît aucunement à Wendy Delorme, l’écrivaine continue d’insister, lorsqu’elle raconte sa genèse, sur les circonstances heureuses, imprévues, qui l’ont entourée. En retraite d’écriture avec quatre amis dans un village près de Lyon, comme elle a l’habitude de le faire, la romancière s’intéresse à un mince cours d’eau, dernière trace d’une rivière disparue. Le projet d’écriture consiste dès lors à relater « l’histoire d’un cours d’eau qui voulait se venger d’avoir été enseveli ».
Le texte reste inachevé, mais Wendy Delorme le retrouve deux ans plus tard, lorsqu’elle repart avec les mêmes amis, dans les Alpes cette fois-ci. « J’étais arrivée avec un projet d’écriture sur la télé-réalité, se souvient-elle, mais je n’y arrivais pas. Il n’y avait pas de réseau là où nous étions, rien d’autre que la nature environnante pour se distraire. Et j’ai remarqué un bruit d’eau sous la maison, dont je ne trouvais pas l’origine. J’ai commencé une sorte de jeu de piste, comme l’héroïne du roman, pour en percer le mystère. »