Algues vertes : à Hillion, en Bretagne, la population s’est habituée à vivre avec la pollution, entre découragement et omerta

Elle souffle fort pour refouler ses larmes, ce mardi matin de juillet. Installée dans son bureau de maire à Hillion, dans les Côtes-d’Armor, Annie Guennou grimace : « Je me sens démunie. Abandonnée. J’en ai tellement marre, vous savez… » L’édile (sans étiquette) « sature » de ces algues vertes qui pullulent aux beaux jours sur une partie du littoral breton. Nichée dans la baie de Saint-Brieuc, Hillion, commune de 4 300 habitants, est la plus touchée par cette pollution. Depuis juin, Annie Guennou a procédé à trois fermetures de plage à la suite d’alertes de capteurs, installés en 2022, signalant la présence d’hydrogène sulfuré (H2S) émanant d’ulves en putréfaction.

Ce gaz a été mis en cause après la mort d’animaux dans la commune. En septembre 2016, un joggeur est décédé dans une vasière. Faute d’autopsie rapide, impossible d’incriminer les algues avec certitude. Annie Guennou refuse de se prononcer sur ce drame qui hante la cité, mais doute : « Avant, il ne fallait surtout pas parler des algues… Une maire doit protéger sa population. Face à ce risque pour la santé publique, les services de l’Etat me conseillent de fermer les plages tout l’été. Ce n’est pas une réponse ! »

Tous les plans de lutte contre les algues vertes (PLAV), mis en place depuis 2010, et dont le dernier doté d’un budget de 130 millions d’euros court de 2022 à 2027, ont été incapables d’éradiquer le fléau hérité de décennies d’agriculture intensive. Celle-ci est, selon la plupart des scientifiques, la principale responsable de la saturation des cours d’eau en azote, nutriment essentiel à la propagation des algues vertes sur le littoral. « Lasse » de ne constater « aucune amélioration », Annie Guennou songe à démissionner de son mandat.

Auguste et Bernadette Buard, 80 ans, comprennent le mal-être de l’élue. Ce couple habite une maison néobretonne avec vue sur la grève et son épais tapis vert révélé à marée descendante. « Les nuisances sont visuelles, mais surtout olfactives », expliquent-ils sur leur terrasse. Ce matin, un relent âcre flotte dans l’air. Souvent, il s’agit d’une odeur d’œuf pourri. « L’air est parfois si irrespirable qu’on renonce à sortir. On se méfie pour notre santé », explique Auguste Buard, ancien militant écologiste. « Blasé », il a cessé tout engagement et se contente de « faire attention » aux émanations. A Hillion, beaucoup se plaignent de récurrents maux de tête, d’irritations de la gorge ou des yeux. Des symptômes que les habitants attribuent, comme une évidence, aux algues vertes.

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