Depuis le début de l’année, la mode a constitué, pour les amateurs de séries, un terrain de jeu familier. En janvier, Cristóbal Balenciaga (Disney +) retraçait le parcours du couturier né au Pays basque espagnol avant que The New Look (Apple TV +) n’éclaire, en février, les grandeurs et petitesses de Christian Dior et Gabrielle Chanel durant la seconde guerre mondiale. En juin, c’est le Karl Lagerfeld amoureux et tourmenté des années 1970 offrant un coup de frais à la maison Chloé que l’on pouvait suivre dans Becoming Karl Lagerfeld (Disney +).
Déroulant l’histoire de designers disparus, mythifiés comme des génies et aux styles identifiables, aucune de ces productions n’a osé dépeindre l’industrie de la mode contemporaine. Une dissection à laquelle se frotte La Maison, soap mordant dont les dix épisodes seront mis en ligne au compte-gouttes par la plate-forme Apple TV + du 20 septembre au 15 novembre.
« Plusieurs projets de séries autour de maisons de mode fictionnelles ont circulé ces dernières années, mais aucune n’avait abouti, constatent les showrunneurs (créateurs et scénaristes) de La Maison, Valentine Milville et José Caltagirone, qui ont travaillé cinq ans sur le projet. Probablement parce que deux travers guettent le genre : que le résultat soit trop excessif et hors de portée du spectateur ou qu’il soit trop cheap et fasse toc. Pour que cela fonctionne, nous savions qu’il fallait se donner les moyens du vraisemblable. »
Lorsque Alex Berger, cofondateur du studio français de production TOP, auréolé du succès du Bureau des légendes qu’il a développé avec le cinéaste Eric Rochant de 2015 à 2020, propose aux deux scénaristes de choisir la mode pour biotope, il n’a que quelques suggestions : une maison qui s’appellerait Ledu et détiendrait une expertise dans la dentelle… Que savait le binôme, sorti diplômé en 2009 du Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle, du secteur de la couture et du prêt-à-porter ?
« Nous ne nous y connaissions pas plus que ça », répondent-ils. Après avoir échangé avec des directeurs artistiques, des rédacteurs en chef et des sociologues, étant soucieux de dépeindre avec acuité les ressorts de cet univers, ils ont écarté « l’idée d’une intrigue à la Downton Abbey », ce drame historique sur l’aristocratie britannique qui suit autant les nobles que le petit personnel.
« Ce qui nous a frappés, explique au contraire José Caltagirone, c’est que ce milieu qui prospère sur une image de frivolité est en fait une industrie financièrement stratégique. On a voulu prendre la mode au sérieux et c’est en se recentrant sur les propriétaires richissimes qu’on peut donner à ressentir l’importance de ces enjeux. » Valentine Milville explicite : « On a pensé à Succession, bien sûr, mais plus encore à The Crown, tant les familles aux manettes du luxe sont un peu, en France, nos lignées royales. »