Un juge d’instruction à Paris enquête depuis le mois de juillet sur X pour « complicité de harcèlement moral aggravé » après une plainte de l’ancienne « papesse des influenceurs », Magali Berdah, a annoncé le parquet de Paris, mercredi 4 décembre.
La femme d’affaires est en conflit avec le rappeur Booba, mis en examen depuis octobre 2023 dans un autre dossier à Paris pour cyber-harcèlement à son encontre. Elle accuse le réseau social d’avoir sciemment continué à donner à l’artiste l’accès à ses services, « lui permettant ainsi de la harceler », d’après une source proche du dossier à l’Agence France-Presse (AFP).
Magali Berdah avait déjà porté plainte en avril 2023 contre Twitter, mais l’enquête ouverte par le parquet de Paris avait été classée, « au motif qu’aucune infraction n’était suffisamment caractérisée », a expliqué le ministère public. En novembre 2023, Mme Berdah a de nouveau déposé plainte, cette fois-ci avec constitution de partie civile, et a obtenu la saisine d’un magistrat instructeur. Cette information judiciaire doit permettre « à la justice d’apprécier le rôle de la plateforme X dans le cyber-harcèlement subi par Magali Berdah et de se prononcer sur la responsabilité pénale des plateformes », ont estimé les avocats de la plaignante, Antonin Gravelin-Rodriguez, Rachel-Flore Pardo et Elie Touitou, contactés par l’AFP.
La période visée par la plainte de Magali Berdah s’étend avant et après le rachat de la plateforme par le milliardaire américain Elon Musk. Mais les critiques accusant le réseau de servir de chambre d’écho à la haine en ligne et au harcèlement n’ont pas attendu ce changement de propriétaire. Il est toutefois rare que des procédures pour des affaires de harcèlement en ligne aillent jusque devant la justice pénale française.
Au civil, Twitter avait notamment été assigné en justice en France par six associations à partir de 2020, et condamné en mars 2023 par la Cour de cassation à détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne. Et depuis son rachat par M. Musk, les accusations liées au manque de modération du réseau social se sont multipliées. Selon le régulateur australien, le nouveau propriétaire du réseau a licencié quelque 1 200 personnes chargées de modérer les contenus.
Le Center for Countering Digital Hate (CCDH), une organisation de lutte contre la diffusion de haine en ligne, a pointé à plusieurs reprises le manque de réaction de la plateforme face à la diffusion de contenus haineux. Dans le cas de Magali Berdah, le réseau social est notamment accusé par la plaignante d’avoir fait fi des alertes adressées sur la plateforme de modération ou des mises en demeure formulées par ses avocats, selon la source proche du dossier.
Outre sa mise en examen pour cyber-harcèlement à l’encontre de Magali Berdah, Booba, qui vit désormais aux Etats-Unis, est également placé sous le statut plus favorable de témoin assisté pour des faits de menaces de mort et de recel d’une infraction d’atteinte à l’intimité. Dans cette affaire, il est notamment reproché au rappeur « au moins 487 messages sur les réseaux sociaux visant directement » Mme Berdah entre mai 2022 et mai 2023, d’après des éléments de l’enquête consultés par l’AFP.
Le rappeur conteste vivement. Il explique plutôt s’être lancé, aux côtés d’un collectif « d’aide aux victimes d’influenceurs », dans une croisade contre ceux qu’il appelle les « influvoleurs », dénonçant de multiples arnaques à l’encontre des internautes. Certaines de ses publications ont reçu un large écho et alimentent un plus large débat sur le secteur lucratif des influenceurs. Mais ses méthodes de dénonciation interrogent la justice. Car le rappeur use, entre autres, d’attaques personnelles et de vidéos non sourcées, notamment depuis mai 2022 à l’encontre de Magali Berdah, fondatrice de l’agence d’influenceurs Shauna Events.
Outre l’instruction visant Booba, vingt-huit personnes ont été condamnées à Paris, accusées d’avoir participé au cyber-harcèlement « en meute » de Magali Berdah, en particulier sur Twitter. De son côté, Booba a aussi porté plainte contre Mme Berdah pour pratiques commerciales trompeuses. L’enquête préliminaire a été classée sans suite en mars par le parquet de Paris. Malgré les difficultés financières de Shauna Events, Magali Berdah a annoncé à la fin du mois de novembre le lancement d’une agence internationale sur le même modèle.