La voie étroite d’Emmanuel Macron

Un mea culpa plus affirmé que les autres à propos de la dissolution de juin, qui a semé « divisions » et « instabilité », n’empêche pas Emmanuel Macron de vouloir rester pleinement président de la République jusqu’à la fin de son mandat. Les vœux que le chef de l’Etat a prononcés, mardi 31 décembre, à l’aube d’une année politique plus incertaine que jamais, étaient d’abord une réponse à Marine Le Pen et à Jean-Luc Mélenchon, qui cherchent à provoquer une élection présidentielle anticipée, au risque de doubler la crise politique d’une crise institutionnelle. Cela suppose de se réinventer – et ce n’est pas facile.

De l’échec de sa très hasardeuse initiative politique de l’année 2024, Emmanuel Macron a enfin pris la mesure. Il assume désormais pleinement sa responsabilité dans la crise qu’elle a entraînée. De même a-t-il pris conscience de l’impopularité et du rejet presque épidermique que sa personne suscite : la vidéo de trois minutes présentée au début de l’exercice pour saluer les réussites françaises (Jeux olympiques, reconstruction de Notre-Dame, notamment) était une façon de reconnaître que tout ne dépend pas en France de la figure présidentielle. Il était temps.

Mais trouver le rôle qui sied à un président de la République fortement dévalué tient de la gageure. Constamment, Emmanuel Macron a hésité entre deux modèles : celui du président rassembleur, en retrait des contingences gouvernementales, œuvrant pour que les membres de la communauté nationale soient « unis, déterminés, solidaires », et celui d’un responsable européen qui sent l’imminence des dangers et ne veut rien lâcher quant au cap national qu’il esquisse depuis sept ans.

Il était légitime qu’une grande partie de l’intervention présidentielle soit réservée à la scène internationale et européenne : personne, en France, ne remet en cause le domaine réservé. En outre, même si sa parole est affaiblie, Emmanuel Macron est reconnu pour avoir très tôt pointé le risque d’effacement de l’Europe face à la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis. Son appel à « dire non aux lois du commerce édictées par d’autres », à rejeter « tout ce qui nous fait dépendre des autres sans contrepartie et sans préparer notre avenir », s’est accompagné d’une légitime exhortation au « réveil » européen, dans la foulée du rapport Draghi qui souligne l’affaiblissement de la capacité d’innovation et d’investissement de l’Union européenne.

Mais que pèse aujourd’hui la voix d’une France enlisée dans ses divisions et incapable de voter un budget ? C’est au regard de la gravité des enjeux européens qu’Emmanuel Macron a appelé au « ressaisissement collectif » en continuant de défendre avec obstination la voie qui est la sienne depuis sept ans : « travailler et innover plus », rendre la France « plus attractive », sauvegarder autant que possible la politique de l’offre. Face aux blocages, il est prêt à faire arbitrer directement par les Français certains « sujets déterminants » pour préparer l’avenir. Mais outre que l’arme du référendum est à double tranchant, elle contredit la « pleine légitimité » que le président de la République reconnaît, par ailleurs, à l’Assemblée nationale nouvellement élue.

Toutes ces contradictions montrent que, pas plus que son premier ministre, François Bayrou, qui a formulé le vœu d’une année d’« action » et de « stabilité », le chef de l’Etat n’a pour le moment pas trouvé la clé pour débloquer la situation politique. L’année commence dans un épais brouillard.

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