L’image du manteau, griffé Castelbajac et daté de 1991, a surgi sur l’écran de son ordinateur. Sur la laine écrue, les broderies pop étaient reconnaissables : cœur rouge transpercé par une flèche, main jaune citron, couronne vert pomme, soleil et lune sur les manches… Un shoot de couleurs qui frappa la rétine d’un Moji Farhat en train de broyer du noir. « J’étais submergé à cette époque par de lourds problèmes personnels dont je ne pensais pas me relever, confie le farouche et délicat marchand de 44 ans. Et pourtant, l’image de ce manteau m’a ramené tout à coup aux années heureuses de ma vie. Tout m’est revenu : la boutique Gaultier de la rue Vivienne, celle de Castelbajac, rue des Petits-Champs, et de Kenzo, place des Victoires… »
Dès lors, il s’est mis à acheter frénétiquement des vêtements vintage, comme on revient à ses premières amours. « J’ai entamé une thérapie par la nostalgie. » C’était il y a quinze ans. Depuis, l’érudit au regard « vert bizarre », profond et parfois fuyant, s’est mis à revendre une partie de ses trouvailles. Et tant pis si voir partir certains trésors peut virer au crève-cœur. « Je n’ai pas l’âme d’un collectionneur, évacue-t-il. Je me lasse très vite. » Sous la voix douce et le phrasé lent, il a par instants l’air affranchi de ceux qui font les choses à leur rythme et selon leur bon vouloir. Moji Farhat ne possède pas de site de vente en ligne, n’apparaît pas en personne sur les réseaux sociaux et réclame – exception faite pour M Le magazine du Monde – que les visiteurs de son showroom du centre de Paris ne prennent aucune photo.