Que sait-on généralement du christianisme en Chine ? De son arrivée, on ne retient généralement que l’activité des missionnaires jésuites, à partir de la fin du XVIe siècle. Dans cette pléiade de figures plus ou moins connues, l’Italien Matteo Ricci (1552-1610) devint l’un des tout premiers sinologues expérimentés. Ces catholiques ont marqué de leur présence une partie de la vie culturelle de l’empire du Milieu, avant d’être considérés comme les membres d’une secte dangereuse. En revanche, on connaît beaucoup moins bien les générations de premiers chrétiens, d’origine syriaque, qui s’établirent, presque mille ans plus tôt, au VIIe siècle, dans l’actuelle région de Xi’an.
Venus par les routes de l’Asie centrale, leurs prêtres adhéraient au nestorianisme, qui dominait alors l’Europe orientale. Leur doctrine, jugée hérétique après le concile de Nicée (325), professait que le Christ était constitué de deux personnes, l’une divine, l’autre humaine. Dans l’ensemble, ce « christianisme chinois du haut Moyen Age » est longtemps demeuré obscur. Les textes conservés étaient peu nombreux, certains étaient contestés, suspectés d’inauthenticité. Presque tous partageaient une réputation de syncrétisme : ils auraient combiné, ou même confondu, des éléments évangéliques avec des traits appartenant au mazdéisme, au taoïsme, au bouddhisme.
L’impressionnant labeur d’Alexis Balmont permet d’y voir plus clair. Cette thèse exemplaire, soutenue au Collège de France, a reçu du Vatican le prix Bellarmin. Si la lecture est fort austère, elle est d’un autre point de vue passionnante, parce qu’elle fait découvrir un ensemble de textes chinois diversifiés, dont les thèses et les formulations empruntent aux doctrines asiatiques pour défendre, globalement, des doctrines effectivement chrétiennes. Ce brévissime résumé ne rend pas justice à la finesse et la pondération de cette recherche. Car, pour démêler les énigmes enchevêtrées de ces rencontres lointaines, Alexis Balmont a su rassembler une série de compétences rarement réunies.