Trois romans, deux essais d’histoire, un recueil de nouvelles, un d’essais féministes… Voici les brèves critiques de sept ouvrages notables en cette quinzième semaine de l’année.
Après s’être intéressée au Secours populaire et à Emmaüs, l’historienne Axelle Brodiez-Dolino consacre un ouvrage passionnant à ATD Quart Monde, l’association fondée en 1957, d’abord sous le nom Aide à toute détresse, par le père Joseph Wresinski (1917-1988). Elle livre ce faisant une réflexion dense sur le rôle de la société civile dans les politiques publiques contre la pauvreté : dès leurs origines, elles ne relèvent en effet pas seulement de l’Etat, mais d’une économie mixte au sein de laquelle l’initiative vient souvent du terrain. En témoigne, entre autres, la mise en place du RMI en 1988, directement inspirée par un rapport rédigé par Wresinski. A l’heure où de nombreux discours fustigent les « assistés », ce regard fin sur des réalités complexes est tout simplement indispensable. P. K.-C.
« La mémoire, où que tu la touches, fait mal. » Ces mots sont ceux de Georges Séféris (1900-1971), diplomate et poète, Prix Nobel de littérature, qui a inspiré à Nassia Dionyssiou un des personnages de La Mer entre ses mains. C’est justement un passé douloureux que l’autrice chypriote aborde dans son livre : celui d’hommes et de femmes juifs qui, au sortir de la seconde guerre mondiale, furent retenus dans des camps britanniques à Chypre alors qu’ils cherchaient à rejoindre la Palestine. Cette histoire est narrée à travers la voix de trois personnages : un journaliste envoyé dans les camps pour recueillir les requêtes des captifs, une paysanne chypriote et une rescapée de la Shoah. Leurs interrogations, leurs doutes, leurs peines s’entrelacent pour composer un tableau complexe où se joignent réflexions intimes et politiques. Sur cette forêt de questions plane, insistante, l’ombre de Paul Celan (1920-1970), dont les vers s’insinuent dans les rêves du journaliste. Tressant paroles de vivants et de morts, Nassia Dionyssiou évoque avec une grande finesse, et un souffle poétique parfaitement dosé, un moment de l’histoire où, après que le pire est arrivé, chaque être interroge son humanité. L. Hu.