Le chiffre donne le tournis : 7,5 milliards de messages « vus » en un an sur le réseau social X. Créé il y a à peine cinq ans, Visegrad24 est devenu l’un des comptes d’actualité les plus influents sur la plateforme d’Elon Musk, qui repartage d’ailleurs régulièrement ses posts. Si le profil a un nombre d’abonnés modeste (1,3 million, contre 41,3 millions pour le compte de la BBC World, par exemple), ses messages sont massivement republiés, commentés et « likés ». A tel point qu’en octobre 2023, une étude de l’université de Washington le place parmi la « nouvelle élite » de X, ces comptes qui y supplantent les médias traditionnels, constatant qu’il a fortement contribué à forger la couverture de la guerre entre Israël et le Hamas.
Depuis les attentats du 7-Octobre, Visegrad24 consacre, en effet, une importante part de ses messages au Proche-Orient, en suivant une ligne de défense « dure » de l’Etat hébreu. Juste après l’attaque du Hamas, il revendiquait plus du triple des « vues » recensées par les comptes de CNN, de la BBC, de Reuters et du New York Times combinés. Un triomphe pour ce petit compte devenu un poids lourd, qui suit l’actualité internationale en mettant l’accent sur une poignée de pays et de sujets, avec un point de vue très conservateur : Israël-Gaza, donc, mais aussi les attaques contre les chrétiens au Nigeria, la réforme agraire en Afrique du Sud, la guerre en Ukraine, l’immigration et l’islam en Europe. Sans que l’identité de ses équipes ou l’origine de ses financements soient très claires.
Derrière Visegrad24 se trouve Stefan Tompson, directeur d’une entreprise de marketing politique de Varsovie et conservateur assumé. En 2020, il décide, avec son frère, d’ouvrir anonymement ce compte comme un contrepoint à la couverture, jugée trop critique, des médias sur les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), à l’époque tous dirigés par des partis conservateurs. Au fil des mois, Visegrad24 séduit 40 000 abonnés, aidé par de nombreux partages et « likes » de comptes militants d‘extrême droite polonais, britanniques ou brésiliens, puis double leur nombre lors de la crise des migrants orchestrée par la Biélorussie à la frontière avec la Pologne, en novembre 2021.