A l’heure où l’administration Trump a gelé 2,2 milliards de dollars (1,93 milliard d’euros) d’aides à Harvard, la plus ancienne université des Etats-Unis, parce qu’elle a refusé de se plier à ses injonctions, Tamara Chaplin, professeure d’histoire européenne contemporaine à l’université de l’Illinois, dénonce ces attaques politiques contre la liberté académique.
Spécialiste des sexualités, du genre et des médias, elle a publié notamment Becoming Lesbian. A Queer History of Modern France (« devenir lesbienne. Une histoire queer de la France moderne », University of Chicago Press, 2024, non traduit).
Dès son investiture, en janvier, le gouvernement de Donald Trump s’est attaqué aux universités américaines en supprimant des financements, des programmes d’aide aux étudiants et des visas pour les chercheurs immigrés. L’université où je travaille dépend en principe de l’Etat de l’Illinois, mais elle reçoit aussi des financements du gouvernement fédéral qui soutient de nombreux programmes. Dans ce climat, une grande partie des recherches sur mon campus a été suspendue jusqu’à nouvel ordre.
Nous constatons des suppressions de postes parmi les chargés de cours qui peuvent être licenciés du jour au lendemain. Je suis moi-même protégée, étant professeure titulaire, mais ce statut est contesté par la droite américaine et l’administration actuelle préférerait le supprimer. Nous sommes nombreux à être inquiets et paralysés par l’incertitude.
Historiquement, l’indépendance de l’enseignement universitaire s’est construite à la fin du XIXe siècle, aux Etats-Unis, comme un bien public : elle est au service non seulement des individus, mais aussi de l’intérêt général de la nation. En créant le statut protégé de professeur titulaire, au début des années 1900, l’objectif des législateurs était d’empêcher les licenciements arbitraires d’enseignants exprimant des opinions contestant les institutions. La liberté académique était perçue comme bénéfique, à long terme, à la société.