Les brèves critiques du « Monde des livres » : Hélène Gestern, Fumiko Hayashi, Tiziano Terzani…

Quatre romans dont un jeunesse, trois recueils de poésie, deux récits, deux essais d’histoire, un recueil d’articles, un de nouvelles, un essai de philosophie, un de sciences politiques… Voici les brèves critiques de quinze ouvrages notables en cette vingt-troisième semaine de l’année.

C’est un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. Un temps où il fallait « être recommandé et accompagné, car les dealers ne vendaient qu’aux clients identifiés et validés ». Un temps où le deal de drogue n’avait pas atteint le stade industriel et où les cryptomonnaies appartenaient au registre de la science-fiction. Acheter son « tcherno », du haschich de mauvaise qualité, revenait à toquer à la porte d’un « brasseur », un revendeur, écluser une bière tiède sur son canapé taché et repartir avec son « 20 grammes » de fumette en poche.

Dans la Grenoble grisailleuse des années 1990, le narrateur du percutant Deal est l’un de ces consommateurs devenus dealers, maillon infime de la chaîne du trafic. Avec Bébé, Sam, Lilith, il connaît les affres de l’addiction, les « carottes » – le vol de produit –, les virées nocturnes glauquissimes. Du quotidien de cette cohorte de cramés, Deal raconte les errances. Il offre aussi une réflexion sur la prohibition, détaille l’arrivée de la cocaïne et les réactions d’un milieu italo-grenoblois autrefois florissant et en passe, déjà, d’être dépassé par les événements. A bonne distance des déclarations martiales sur les méfaits de la drogue, l’auteur, le mystérieux « 6 », ne pose pour autant aucun voile sur la vie envapée des dealers-revendeurs, sur leurs misérables coups de vice et l’absence à peu près totale de scrupules d’un milieu pourri jusqu’à l’os, où les moins chanceux finissent en « gueules cassées pataugeant dans la boue glaireuse de leurs regrets ».

Difficile de ne pas imaginer que l’auteur de Deal, planqué derrière son pseudonyme mononumérique, a bel et bien connu cette période dans ses moindres détails – comme acteur du trafic, s’entend. Au confluent de la fiction et du témoignage, ce récit sec, nerveux, teinté d’un humour désespéré, s’impose comme un jalon de l’abondante – et fort inégale – production romanesque consacrée au trafic de stupéfiants. A. Al.

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