« Les Voleurs d’ampoules », de Tomasz Rozycki : esprits frondeurs dans la Pologne communiste

C’est à l’invitation de Tadeusz, le protagoniste et narrateur des Voleurs d’ampoules, de Tomasz Rozycki, que l’on pénètre dans l’histoire. « Ecoutez », nous enjoint-il dès la première ligne, comme pour s’assurer de nos bonnes dispositions à plonger dans un récit qui prend rapidement des allures de conte mystique. En effet, le jeune garçon vit dans une barre d’immeubles, en Pologne, au sein d’un modeste appartement de 35 mètres carrés où s’entassent parents, frères et sœurs, chiens, canaris, pigeons, cafards et poissons d’argent. La vie en collectivité prime. Le père de Tadeusz organise justement ce soir-là une fête à laquelle tous les voisins sont conviés. Paderewski, madame Pozarska, Bermuda et Barrakuda, même le fils Oginski, « pelote de tics nerveux » dont la bouche convulsée laisse échapper des cris affreux. Pour l’occasion, Tadeusz est investi d’une mission cruciale : aller moudre du café en grains chez Stefan, seul voisin à posséder encore un moulin à manivelle. Ce n’est pas une mince affaire. Pour se rendre chez ledit Stefan, il faut traverser le long couloir du dernier étage, privé de lumière – puisque les ampoules y sont constamment volées – et peuplé d’étranges créatures.

Car dans le bâtiment, familles et animaux cohabitent avec d’autres locataires d’une tout autre nature. Des divinités avides de chair humaine qui, sans prévenir, s’invitent chez les gens. Elles ont, par exemple, le don de transformer une petite réception dînatoire en ballet proprement burlesque, lorsque, attirées par la fébrilité des corps imbibés d’alcool, elles s’y logent et instillent une fièvre qui monte, soulève les jupons et fait danser sur les tables. Parfois, ces visites sont moins légères, plus morbides. Comme lorsqu’elles s’emparent furieusement d’un corps, « s’y nichant, s’y reproduisant, le déformant, le ridant, jouant avec lui pour ensuite, au matin, le laisser vidé et exténué ».

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