« Certains hésitent à qualifier la situation américaine actuelle de crise constitutionnelle. Ils se trompent »

Même en gardant en mémoire l’expérience du premier mandat de Donald Trump, la rapidité des bouleversements que les Etats-Unis vivent depuis le début de son second mandat reste sidérante. Les derniers événements à Los Angeles peuvent être examinés sous plusieurs angles. Premièrement, ce qui se passe est véritablement sans précédent, à moins de remonter à la guerre de Sécession. Depuis la reddition du général sudiste Robert Lee à Appomattox, il y a un peu plus de cent soixante ans, les Américains n’ont jamais vraiment eu à affronter la question fondamentale de la préservation de l’Union. Bien que des troupes aient été déployées occasionnellement sur le territoire national, un tel recours demeure extrêmement controversé et ne doit intervenir qu’en l’absence totale de toute autre solution. La légalité du déploiement par l’administration Trump du corps des marines à Los Angeles et de la réquisition de la garde nationale de Californie, pour intervenir sur place, est à juste titre contestée devant la justice fédérale.

Cela nous amène à la deuxième perspective : le rôle des tribunaux. Avec leur mandat à vie, les juges fédéraux sont censés être indépendants. Cela n’a pas empêché le président Trump de nommer pour des raisons manifestement idéologiques plusieurs juges, dont trois siègent à la Cour suprême. A plusieurs reprises, cette cour est allée dans son sens. Est-ce qu’un juge de la Cour suprême nommé par lui ou par d’autres présidents républicains – ils sont une majorité de six sur neuf – saura résister à son appétit de pouvoir et à sa propension irrésistible à dépasser les limites ? Cela dépendra évidemment des questions juridiques précises qui seront soulevées. Malgré le travail remarquable accompli par de nombreux magistrats infatigables dans diverses juridictions inférieures, la Cour suprême reste notre dernier rempart.

La troisième question que soulèvent ces événements concerne le Sénat des Etats-Unis. C’est lui qui confirme la nomination des juges fédéraux. Par son attitude actuelle, il risque de neutraliser son propre pouvoir constitutionnel, voire de l’abandonner complètement. De se suicider. Bien que nombreux soient les sièges au Sénat et à la Chambre des représentants qui sont acquis d’avance – ce qui met les élus actuels à l’abri d’une défaite électorale –, une majorité de sénateurs a entériné la nomination de juges aux qualifications douteuses et de ministres de M. Trump dépourvus des compétences requises. L’effondrement du Sénat comme contre-pouvoir à la Maison Blanche est un coup dévastateur porté à la démocratie américaine.

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