« Histoire (dé)coloniale de la philosophie française », de Thierry Hoquet : des philosophes contre le colonialisme

Alors que la philosophie des Lumières, au temps de la Révolution française, était censée rayonner vers les colonies des Antilles, l’ancien esclave devenu général Toussaint Louverture (env. 1743-1803) se retrouva mis aux fers. Pourtant, ne faisait-il pas qu’appliquer à Haïti l’idée de progrès de la raison et de la liberté qui venait de triompher à Paris ? Dans Histoire (dé)coloniale de la philosophie française, le philosophe Thierry Hoquet interroge la philosophie à partir de telles contradictions, qui exposent les penseurs, en France, à ce qui s’est joué de l’autre côté des mers, durant les différentes entreprises coloniales menées par leur pays.

En une série de chapitres chronologiques, dont la première borne est 1492, date du début de la conquête du continent américain par les Européens, le livre examine jusqu’à notre époque les traces laissées par le fait colonial dans les œuvres philosophiques. Tout en reconnaissant que celles-ci ne sont pas exemptes de « cadres de pensée hiérarchiques, dominateurs, racistes », ce projet historiographique entend se démarquer, comme le signale la nuance orthographique dans le titre du livre, de l’approche théorique dite « décoloniale ». « S’il s’agit de (dé)colonial plutôt que de décolonial, explique Thierry Hoquet, c’est que le projet n’est pas de déconstruire des savoirs ou des imaginaires européens supposés dominants et oppressifs, mais de voir au contraire comment la colonisation a provoqué des retours réflexifs et critiques. »

Depuis que Montaigne a fait parler des Indiens tupinamba du Brésil pour s’adresser au roi de France, le rapport à l’autre impliqué par la colonisation produirait un questionnement sur la société française elle-même, malgré les positions complaisantes de certains philosophes à l’égard de la colonisation. Comme chez Henri Bergson, qui ne remettait pas en cause la colonisation de l’Algérie, mais qui a pu être lu dans une perspective postcoloniale par le philosophe Souleymane Bachir Diagne.

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