Les 25 et 26 juin, à la fashion week homme de Paris, ce sont des histoires d’ascendance et de descendance qui se sont imposées sur les podiums. Que ce soit avec des ancêtres de cœur ou de sang, plusieurs créateurs ont mis en scène des passages de relais, faisant de la mode une affaire de transmission.
Julian Klausner dessinait sa première collection homme pour Dries Van Noten. Le trentenaire a été nommé directeur artistique en décembre 2024 après avoir piloté pendant six ans la ligne femme sous l’autorité du fondateur. « Je me suis demandé “qu’est-ce qu’une collection masculine Dries” ? Je crois que c’est une garde-robe complète, de gentleman, avec une certaine fantaisie », explique Julian Klausner qui a choisi d’opposer le formel et le décontracté, le baroque et la simplicité.
Une veste de smoking peut être portée avec un short molletonné, une veste aux broderies hypnotisantes par-dessus un marcel léger. Dries Van Noten avait un talent particulier pour jouer avec les couleurs et les imprimés, Julian Klausner s’y essaie aussi. Il y a de spectaculaires manteaux floraux fuchsia et émeraude, de beaux tee-shirts gris où quelques sequins multicolores éparpillés miment un feu d’artifice, des vestes sobres à la doublure éclatante. Les pièces moins convaincantes sont généralement les plus moulantes (les cyclistes) ou les plus structurées (les tee-shirts construits comme des vestes de costume) et les sacs volumineux : autant d’éléments qui nuisent à la fluidité de la silhouette. Mais au-delà de la volonté d’être fidèle à l’héritage, on devine chez Julian Klausner un très grand potentiel.
Dans la bibliothèque du lycée Henri-IV, Grace Wales Bonner fait parader de très chics érudits. « J’ai imaginé un groupe de collectionneurs : de beaux objets, de vinyles, d’une garde-robe… J’ai songé à un vestiaire peut-être hérité d’un grand-père, resserré mais dans lequel chaque pièce aurait une valeur sentimentale », expose la designer britannico-jamaïcaine.
Diverses collaborations avec des institutions britanniques plus que centenaires évoquent cette idée d’un vestiaire traversant les âges : un manteau chocolat avec le fabricant royal Crombie, des queues-de-pie avec le tailleur londonien Anderson & Sheppard, des mailles avec le spécialiste John Smedley. Chemises lavallière à imprimé fleur de baobab ou en mousseline ornée de cristaux, gants d’opéra, ballerines vernies ou léopard agrémentent le tout. Réputée pour son mélange entre tenues de ville et sportswear, et ses engagements pour la visibilité des artistes et penseurs afro-américains, Grace Wales Bonner, dont le label Wales Bonner fête les dix ans de son premier défilé, réussit avec grâce cette exploration d’une élégance plus formelle.
D’aïeul, il est aussi question chez Egonlab, où Florentin Glémarec et Kévin Nompeix rendent hommage au grand-père du premier, René Glémarec. Mort en 2022, l’ancien commercial de Quimper était toujours au premier rang, tout d’Egonlab vêtu, façon égérie senior. La collection, mélange nonchalant de costumes en laine et d’ensembles en denim, multiplie les clins d’œil à la Bretagne. Outre les binious portés à la main, les cols démesurés sont pointus comme des coiffes bigoudènes ; le tartan surgit au revers des pantalons ; des broderies et dentelles traditionnelles deviennent des voilettes de deuil.
« Que faire quand tout s’assombrit ? », s’interroge le Belge Walter Van Beirendonck dans sa note d’intention, rédigée comme une lettre amicale. Chercher la beauté dans nos filiations, répond-il, en proposant un retour en enfance baroque et délicat. Ses vestes, chemises et pantalons s’avèrent imprimés de ses propres photos d’enfance en noir et blanc, scannées et distordues. Les accompagnent des shorts à smocks ou des vestes flottantes en tissu fleuri printanier, des cravates clownesques à rayures, des chaussettes et chemises-tuniques couvertes de dessins de petits monstres. Une échappée régressive comme une promesse : « Je veux rester, écrit le designer de 68 ans, le garçon aux yeux grand ouverts et plein d’étoiles que j’étais. »