Des robes à fleurs et à revendications

Il y a, dans la robe à fleurs, un fantasme de douceur. Une promesse aussi : celle d’un renouveau, en écho au retour du printemps qui fait souvent la part belle à l’imprimé fleuri. Les podiums de la saison en sont couverts : de Prada à Chloé en passant par Loewe, la robe à fleurs version 2025 est vaporeuse, comme prête à s’envoler au premier coup de vent. Ces délicates tenues évoquent, non sans une dimension morale, les femmes-fleurs croquées par Botticelli, Fragonard ou Renoir : dans ces toilettes, ces femmes se font aimantes, douces, tournées vers la contemplation ou le foyer.

Il convient cependant de ne pas condamner le motif fleuri trop vite. Prisée de nombreux créateurs, par ailleurs férus de jardins (Yves Saint Laurent, Christian Dior, Dries Van Noten…), la fleur sait se faire plus piquante. Comme lorsqu’elle recouvre, en 2012, la robe de Cécile Duflot, alors ministre de l’égalité des territoires et du logement.

A l’origine pourtant, rien d’extraordinaire : la femme politique a choisi, pour une allocution à l’Assemblée nationale, une robe aux manches trois quarts s’arrêtant au genou, taillée dans une étoffe blanche imprimée de motifs floraux bleu foncé. Mais à peine prend-elle la parole que des huées et des sifflets se font entendre.

« Au-delà du machisme ambiant au sein de l’Hémicycle, il est difficile de trouver des raisons à ces réactions », relève l’historienne de la mode Sophie Lemahieu dans S’habiller en politique (Editions du Musée des arts décoratifs, 2022), notant qu’il s’agit d’une « robe simple, aux couleurs assez neutres [blanc et bleu], à la forme féminine sans être moulante ».

Mais, « d’après Cécile Duflot, c’est pourtant bien ce qui a causé problème. La robe évasée rappelant les années 1950 s’inscrit dans une image traditionnelle de la féminité. Elle met en valeur la taille et, par contraste, les hanches. Pour la ministre, c’est ce corps aux formes féminines qui a fait réagir les députés, au-delà de l’habit ». « Je suis un baromètre à réac’ », réagira à l’époque Cécile Duflot, dont la robe fera, en 2016, son entrée au Musée des arts décoratifs dans le cadre de l’exposition « Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale ».

De fleurs et de revendication il est aussi question dans une série de clichés pris par le photographe Marc Riboud, le 21 octobre 1967 à Washington, lors d’une manifestation pacifiste contre la guerre du Vietnam. C’est lui qui capturera le geste fort de Jan Rose Kasmir, lycéenne de 17 ans, posant face aux soldats avec une fleur dans les mains. De quoi rappeler que, au-delà de sa dimension romantique, sa naïveté et son apparente fragilité, cette dernière peut devenir un motif de lutte douce. Même quand il est appliqué sur une robe.

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