Dans l’imposante communauté des influenceurs décortiquant leurs tenues sur les réseaux sociaux, on distingue différents types de profils et de névroses. Les plus grossiers se plaisent à énumérer le prix exorbitant de leur vêtement tandis que les plus habiles vantent les bonnes affaires qu’ils portent sur eux. Les plus snobs aiment aligner les noms d’obscurs designers afin de perdre leur audience pour mieux l’impressionner. Les plus psychorigides ? Leur tic est plus subtil. Et déprimant.
A longueur de vidéo, ils se plaisent à valoriser, avec une insistance pesante et maniaque, les rappels de couleurs entre les pièces qui composent leur mise. Ainsi, il n’est pas rare de les entendre vanter que « l’orange du foulard matche avec l’orange des baskets » ou que « le turquoise du bonnet rappelle le turquoise de la bague ». Il nous a même été donné le malheur d’entendre un couple célébrer le matching entre deux éléments de leurs tenues respectives : le vert du cardigan de madame correspondait effectivement au vert de la ceinture de monsieur.
Le phénomène ne nous dit rien qui vaille, et pas seulement parce qu’il fait remonter en nous le traumatisme de ces kits pour messieurs associant, dans une boîte cartonnée noire, à la façade avant plastifiée, cravate, pochette et boutons de manchettes assortis et d’infâme qualité…
Si la recherche stylistique s’accommode de quelques règles et principes de base, notamment en matière de tailoring, cette culture du matchy-matchy relève surtout d’un appauvrissement culturel et esthétique. Pire, elle s’inscrit, dans un mouvement global consistant à résoudre chaque quête profonde par une petite combine aussi appelée « hack ».
A en croire certains bonimenteurs des réseaux sociaux et quelques-uns de leurs disciples, il suffirait d’une gorgée de vinaigre de cidre avant chaque repas pour mincir, de parler à l’application Duolingo trente secondes par jour pour apprendre une langue ou de manipuler quelques bitcoins pour devenir millionnaire… Evidemment, tout cela est aussi vain que d’espérer accéder au style et à l’élégance en assortissant ses bretelles à ses chaussettes. Désolé, cela ne matche pas comme ça.