Dans son formidable premier livre, Le présent infini s’arrête (P.O.L, 2015), comme dans le suivant, Une passion pour le Y (P.O.L, 2018), Mary Dorsan s’appuyait sur son expérience d’infirmière psychiatrique pour « explorer la relation à l’autre et ses étrangetés les plus fantastiques ». Mais elle refusait de se « mettre au centre » du récit, trouvant « dégoûtant », comme elle l’expliquait au « Monde des livres », d’être « le truc qui capte, le truc qui analyse, sent, regarde ». Cela lui semblait être « trop de soi ». L’écrivaine se projetait donc à chaque fois dans un personnage, qui lui permettait d’évoquer, avec la distance permise par la troisième personne, son quotidien avec les patients.
Dans La Déflagration, le « je » est assumé. Seule la mention « roman », ajoutée sous le titre, suggère la réticence de l’autrice à réduire le récit qui s’annonce à un événement de portée strictement personnelle. Sans doute la précision générique veut-elle aussi protéger les différentes parties prenantes des événements qu’elle relate. Tout comme elle autorise les entorses à la chronologie des faits, et la mise en œuvre de procédés narratifs grâce auxquels l’analyse des émotions et des sentiments contradictoires de la narratrice devient possible sans être complaisante ou indécente.