Il est des verdicts ambigus dont la brutalité n’oblitère en rien l’espoir d’un épilogue plus heureux. La condamnation, mardi 1er juillet, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal par la cour d’appel d’Alger à cinq ans de prison en est la parfaite illustration.
En elle-même, la sentence est insupportable. Cinq années d’emprisonnement ferme ciblant un homme de 80 ans, malade, esprit libre jugé coupable pour ses seuls propos sur sa propre conception de la nation algérienne, est « un déshonneur » pour l’Algérie, ainsi que l’avait justement déploré Emmanuel Macron en janvier en évoquant le maintien en détention de l’écrivain.
Il faut le dire et le répéter : la persécution des voix critiques en Algérie, au-delà de l’injustice infligée aux intéressés, est une offense entachant l’image du pays. Boualem Sansal est loin d’être le seul. La condamnation en début d’année du poète Mohamed Tadjadit, 31 ans, est un cas tout aussi inadmissible, bien que, hélas, totalement passé sous silence en France. Tout comme l’est le sort de dizaines de détenus d’opinion qui paient lourdement leur participation au soulèvement pacifique du Hirak (mouvement antisystème) de 2019-2020.
Dans l’affaire Sansal, une petite lueur d’espoir existe néanmoins. L’hypothèse d’une grâce concédée par le président Abdelmadjid Tebboune à l’occasion de la fête nationale du 5 juillet est jugée vraisemblable, sinon certaine. Tel est en tout cas le pari de nombre de dirigeants politiques en France, au gouvernement comme dans l’opposition, qui, soucieux de ne pas gâter cette chance, se sont imposé une certaine retenue tout en lançant des appels à la « clémence ».
Un geste de bienveillance de M. Tebboune, s’il se confirme, devrait contribuer à alléger quelque peu le climat orageux qui a obscurci les relations entre Paris et Alger depuis un an. L’affaire Sansal était devenue emblématique d’une crise qui est sans nul doute la plus véhémente en six décennies de relations diplomatiques.
Entamée autour du dossier litigieux du Sahara occidental, dans lequel la France a reconnu la « souveraineté marocaine » le 29 octobre 2024, elle s’était nourrie d’un enchaînement de tensions parmi lesquelles figurent, outre le cas de M. Sansal, des désaccords sur la question migratoire ou la mise au jour des manœuvres d’ingérence des « services » algériens sur le sol français.
Il serait toutefois naïf d’imaginer qu’un élargissement de M. Sansal suffirait à lui seul à sceller la réconciliation. Le passé, y compris le plus récent, montre que les esquisses d’accalmie sont souvent torpillées par les « faucons » qui, de part et d’autre, font monter les enchères à des fins de politique intérieure. De ce point de vue, la condamnation ubuesque, le 29 juin, à Tizi Ouzou, du journaliste sportif Christophe Gleizes à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme » est une nouvelle désastreuse.
Elle renvoie un message de maximalisme à l’exact opposé du relatif optimisme entourant désormais le sort de M. Sansal. Elle trahit aussi une vraisemblable lutte des clans au sein du régime d’Alger, où les tenants d’une ligne dure à l’encontre de la France ne lâchent pas prise. Il faudra s’y résigner : la relation franco-algérienne est vouée à stagner encore longtemps dans les basses eaux de l’acrimonie. A l’évidence, il fauda reconstruire ce lien crucial pour l’avenir des deux pays, mais la sagesse commande de s’y atteler sans illusions.