Longtemps, il a été facile de se tenir quitte avec Remy de Gourmont (1858-1915), de le réduire à une de ces images d’Epinal qu’il aimait tant et de lui découper dans le carton bouilli une silhouette convenue et bien peu convenable : celle de l’homme qui fait corps avec les livres, de l’érotomane claustré, du philologue symboliste en coule monastique et bonnet pointu, à la face sarclée par le lupus, toisant avec mépris, binocles au nez, les égarements d’une république bourgeoise embrenée dans le scandale de Panama et empêtrée dans l’affaire Dreyfus. Vision mythique, avérée en grande partie par l’intéressé, ses amis vrais et faux, mais vision néanmoins limitée.
Une appréhension que rend désormais obsolète la biographie de haute lisse, ogresque et patiente conçue par Thierry Gillybœuf. Deux tomes annotés et illustrés, totalisant 1 300 pages, qui sont moins un « gourmontsaviesonœuvre » qu’une vision de la IIIe République des lettres à la lumière, tour à tour crue ou sourde, de l’auteur de Sixtine.