Certaines crises, dans la tumultueuse histoire des relations franco-algériennes, surviennent dans un contexte lourd de menaces et semblent, sinon inéluctables, du moins parfaitement prévisibles. D’autres apparaissent comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, et ne sont pas forcément les plus simples à dénouer.
Celle qui s’est ouverte entre Paris et Alger autour de l’adoption de la loi du 23 février 2005, portant « reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés », appartient de toute évidence à la seconde catégorie. Car c’est de façon très détournée, presque à la sauvette, que sont apparues, au détour d’un amendement présenté par le député Christian Vanneste (Union pour un mouvement populaire, UMP), le 11 juin 2004, et devenu l’article 4 du texte, ces deux phrases : « Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. » Assez pour raviver entre les deux pays les plaies de la période coloniale, et remettre en cause les acquis d’années de travail de rapprochement des mémoires.
Entre Paris et Alger, le XXIe siècle avait pourtant bien commencé. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, en 1999, la terrible parenthèse des « années noires » s’est refermée et les cours du gaz et du pétrole ont remonté, ce qui a donné un peu d’air au gouvernement algérien. Côté français, l’heure est à la réconciliation et aux mains tendues. Le 1er décembre 2001, quelques jours après des inondations meurtrières, le président Jacques Chirac se rend dans le quartier algérois de Bab El-Oued pour témoigner de la solidarité de la France, et y rencontre une impressionnante ferveur populaire. La visite d’Etat du président français, du 2 au 4 mars 2003 en Algérie, alors que la France avait pris la tête aux Nations unies des opposants à la seconde guerre du Golfe, imminente, est un succès retentissant.