La présentation des orientations de François Bayrou pour le budget de 2026 a occupé plus d’un esprit français, mardi 15 juillet, et empli de nombreuses pages de journaux, toujours français, mercredi, mais on ne peut pas dire qu’elle ait fait couler beaucoup d’encre en dehors de nos frontières. Le sujet n’avait presque aucune présence médiatique internationale, mercredi, ni en une des journaux ni sur leur page d’accueil numérique. Dans les rubriques « International », le premier ministre trouve bien une maigre place, entre plusieurs articles relatant les dernières sorties de Donald Trump et des analyses sur la guerre en Ukraine.

Par ailleurs, les articles qui existent dans la presse internationale ne sont pas des analyses ou des chroniques, mais de simples comptes rendus des annonces françaises. Même les quelques journaux grecs consultés – et alors que M. Bayrou a évoqué la Grèce des années 2015-2019, qui, surendettée, « a dû consentir des sacrifices immenses » – se sont contentés de rapporter les orientations budgétaires de manière factuelle. A l’exception notable du quotidien économique Naftemporiki, qui dresse les « différences essentielles » entre les situations grecque et française, mais pointe aussi « les signaux de danger ».

Mais, s’agissant des quelques analyses existantes, leurs mots sont tranchants et leurs formules, sans équivoque ni indulgence. Le journal suisse en langue allemande Neue Zürcher Zeitung titre son décryptage sur le « choc de l’austérité », quand l’Espagnol El País évoque un « plan radical » présenté au cours d’un discours « dramatique », un qualificatif également utilisé par The Times pour décrire les propositions du gouvernement. Le quotidien de centre droit britannique rappelle aussi, au détour d’une ligne, que « les commentateurs sont nombreux à estimer que la France a pris à l’Allemagne le titre d’“homme malade de l’Europe” ». Quant au journal italien Il Corriere della Sera, il estime simplement que la « situation [financière de la France] est si difficile » que François Bayrou s’est attaqué aux jours fériés.

Car c’est bien cette mesure qui interpelle le plus en dehors de la France, comme en dedans. Dans son discours, le premier ministre a proposé, entre autres, de supprimer deux jours fériés, « par exemple » le lundi de Pâques, « qui n’a pas de signification religieuse », et le 8-Mai, afin de gagner deux jours travaillés. Pour Stefano Montefiori, dans sa chronique pour Il Corriere della Sera, le « terne » chef du gouvernement français « ose défier Napoléon Bonaparte » en évoquant le lundi de Pâques. Et le journal de tradition centre droit de rappeler que ce jour férié avait été instauré par celui qui était alors premier consul avec le Concordat de 1801, afin d’éviter que les Français ne prennent la semaine entière de congé, comme ils en avaient l’habitude. Et ainsi… de les faire travailler plus. « Bonaparte avait raccourci les vacances, mais cela ne suffit plus. » De plus, cette « annonce la plus marquante », selon le Suisse NZZ, M. Bayrou l’a faite au lendemain du « jour férié le plus effervescent en France », le 14-Juillet, qui célèbre « la nation française et ses valeurs », note le Daily Telegraph.

Tous ceux qui mentionnent cette mesure anticipent des oppositions et des remous dans l’opinion publique. « Supprimer des jours fériés va probablement rendre furieux des électeurs français qui sont profondément attachés à ce qui est un filet de protection sociale très généreux en comparaison aux autres démocraties occidentales, comme les Etats-Unis », note l’édition européenne de Politico. Le site rappelle également que le dernier changement d’ampleur dans le modèle français est le recul de l’âge de départ à la retraite, qui « avait provoqué des manifestations massives et qui reste profondément impopulaire ». El País fait aussi le parallèle avec la réforme des retraites : « Dans un pays encore habitué aux luttes sociales, ces annonces résonneront inévitablement dans la rue. »

Cette mesure déjà impopulaire est jugée d’autant plus périlleuse politiquement par la presse internationale que François Bayrou occupe une place fragile, et que l’équilibre est précaire à l’Assemblée nationale. Le Temps, quotidien suisse à la ligne éditoriale « libérale » et écologiste, anticipe ainsi un « débat automnal gratiné », en référence à l’arrivée à la rentrée du projet de budget dans l’hémicycle, estimant que M. Bayrou a cherché à « se laisser le temps de négocier [pour] ne pas [se faire prendre] de court par les tergiversations de dernière minute des groupes politiques ». « La chute de Michel Barnier a servi de leçon. » Le risque et la crainte d’une nouvelle censure du gouvernement sont dans tous les articles, Politico titrant même sa seule analyse sur « Le Pen menace de renverser le gouvernement français ». Si Marine Le Pen, cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN), met sa menace à exécution – puis uni ses voix à celle de la gauche, comme au moment de la censure du gouvernement Barnier –, « Emmanuel Macron risque de perdre encore un premier ministre à l’automne dans une impasse politique qui montre la France comme de plus en plus ingouvernable », juge Politico.

Le Temps et la BBC craignent aussi cette « impasse » : « La passivité de Bayrou était critiquée depuis des semaines. Ce mouvement le place aux antipodes de la paralysie, mais il n’est pas certain qu’il parvienne à le mettre en œuvre », juge le journal suisse. Le Times ne mâche pas ses mots, soulignant que « de nombreux observateurs disent que la France a besoin d’un leader fort pour enrayer son déclin, mais se trouve à l’inverse avec un chef de l’Etat “canard boiteux” [en politique anglo-saxonne, cela désigne un élu toujours en poste alors que son successeur est déjà élu] qui manque de temps à deux ans de la fin de sa présidence, et un premier ministre qui bataille pour sa survie politique ». Et la BBC d’appuyer sur les « moins de 25 % » de popularité d’Emmanuel Macron, qui sortirait encore affaibli de n’avoir de nouveau pas réussi à nommer un premier ministre pérenne, et alors qu’il « existe une clameur lui réclamant de démissionner avant la fin de son second mandat en 2027 ».

Une position fragilisée, aux antipodes de celle que le chef de l’Etat a adoptée dimanche, lors de son traditionnel discours aux armées, à l’hôtel de Brienne. Usant de mots forts, Emmanuel Macron a annoncé une hausse du budget de la défense, le doublant d’ici à la fin de son mandat par rapport à sa prise de poste, en 2017. Dans une précédente chronique, signée de son journaliste à Paris, Paul Ackermann, Le Temps décrivait un président qui « bombait le torse » et tenter de « solidifier la stature d’homme fort de l’Europe qu’il travaille tant ». Mais que l’instabilité de l’Assemblée menace. Une nouvelle censure du gouvernement n’arrangera certainement pas les finances du pays ni son image à l’étranger, alors que Paris reste sous la menace d’une nouvelle dégradation de sa note souveraine.

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