Auriez-vous aimé partir en vacances avec Bossuet ? Trop peu de gens se posent cette question pourtant essentielle. Il faut dire que l’évêque est loin derrière Omar Sy, Mylène Farmer ou même Stéphane Bern dans le classement des personnalités préférées des Français. Sans doute que, pour la plupart, ils répondraient par la négative.
C’est d’autant plus compréhensible qu’il est difficile d’imaginer des moments de pure détente avec l’Aigle de Meaux – son surnom, par Voltaire. Nous serions tout d’abord intimidés par son autorité spirituelle, pétrie d’intransigeance, peu encline au doute comme à la nuance ? il ne trouverait nul charme, ni excuses estivales, à la consommation à outrance de mauvais vin rosé.
Sans doute serions-nous aussi rapidement lassés par ses préoccupations du moment. Nous aurions l’âme aux dauphins, lui aux défunts. Il serait dans l’oraison, nous dans la péroraison. Quant à ses « réf » bibliques, il nous en manquerait la quasi-intégralité. Quand bien même notre idéal ne serait pas le fameux « Alors, on n’attend pas Patrick ? » de Franck Dubosc dans Camping, nous ne sommes pas contre un peu de relâchement rhétorique durant l’été ? et le reste de l’année.
Contentons-nous de lire le prélat.
Mais n’oublions pas pour autant tout à fait l’homme. Car le clerc avait aussi ses bons côtés : un certain sens de la compassion ; du style ; une réelle profondeur ; une indéniable sincérité. Et puis, malgré tout, un vrai sens du flow, du jubilatoire. Il avait même des côtés mignons assez méconnus, comme le raconte cette anecdote en apparence insignifiante ? et assez invérifiable.
Bossuet aurait ainsi eu des difficultés quasi insurmontables à employer le mot « poule » dans l’oraison funèbre d’Anne de Gonzague de Clèves. Cette dernière, la défunte donc, après un début d’existence mondaine plein d’intrigues, se tourna vers la piété, Dieu et les Ecritures, à la suite d’un étrange songe. Il y était question d’une poule dont le poussin s’était égaré, puis avait été capturé par un chien féroce. La mère gallinacée court sauver son petit, refusant de le lâcher, ce qui calmerait le dogue. On l’aura compris, la poule, c’est Dieu qui n’abandonne pas les croyants, même s’ils ont séjourné dans la gueule mauvaise.