C’est une capsule au design élancé, dont l’aérodynamisme suggère qu’elle doit bien avancer dans le temps et l’espace. L’engin, présenté ces derniers jours en Suisse après deux ans de polémiques, fait sensation. D’autant plus que le voyage qu’il propose est de ceux dont on ne revient pas. Baptisée « Sarco » (pour sarcophage), la boîte permet à une personne de se suicider sans aide extérieure. A l’intérieur, le candidat au trépas volontaire n’a qu’à appuyer sur un bouton, qui libère de l’azote. Dont la saturation provoque la perte de conscience de l’individu par manque d’oxygène, puis la mort sans douleur, en quelques secondes. La méthode ne nécessite pas de poison, à avaler ou injecter dans les veines. Et comme les matériaux qui composent « Sarco » sont biodégradables, cette dernière peut aussi servir de cercueil.
Le « lancement » de l’engin aura lieu en Suisse ces prochaines semaines. Le premier candidat, un malade en phase terminale, serait déjà arrivé dans la Confédération pour son dernier voyage, selon Philip Nitschke, médecin de son état, à l’origine du projet. Présenté par le quotidien de Zurich Neue Zürcher Zeitung comme un « vieil activiste australien de l’euthanasie », l’homme n’en est pas à son coup d’essai. A 76 ans, celui qui se considère comme un champion humaniste des pratiques libérales d’aide au suicide, estime que les adultes dotés de toutes leurs capacités cognitives devraient avoir le droit à la mort paisible de leur choix, même s’ils sont en bonne santé.
Nitschke a derrière lui toute une carrière jalonnée de « premières » discutables et d’inévitables polémiques. Il a ainsi été, entre 1995 et 1997, le premier praticien au monde à procéder à des injections létales sur des patients en phase terminale ; quatre euthanasies en Australie, dans l’Etat des Territoires du Nord, avant que la Cour suprême à Canberra n’invalide la possibilité. Pour ce faire, il avait inventé une première « machine à salut ». Ceux qui voulaient mourir appuyaient sur un bouton d’un ordinateur portable et déclenchaient ainsi l’administration intraveineuse de la drogue mortelle. L’appareil se trouve désormais au British Science Museum.
Nitschke fonde plus tard l’organisation Exit International pour soutenir ses thèses et ses projets, et publie en 2019 The Peaceful Pill (« la pilule paisible »), ouvrage qui se veut à la fois dédramatisation et promotion du suicide assisté. Il dispense ainsi des conseils pratiques sur les poisons et les gaz. Le livre est interdit dans la plupart des pays, mais disponible sans grande difficulté sur Internet. Militant acharné, volontiers provocateur, le médecin australien avait aussi imaginé un sac en plastique qui peut être enfilé sur la tête et scellé. L’azote pénètre dans le sac par un tuyau. C’est peu après qu’il est entré en conflit ouvert avec les autorités de son pays et les associations médicales, qui voulaient encadrer ses activités. Fâché, il a brûlé sa licence de médecin en 2015, puis émigré aux Pays-Bas dans la foulée. Pourquoi le retrouve-t-on désormais en Suisse ?