Aleph Alpha, célébré il y a quelques mois comme le grand espoir allemand en matière d’intelligence artificielle (IA) générative, voit son étoile pâlir. Une enquête du Manager Magazin, parue fin juin, a formulé, pour la première fois ouvertement, les doutes qui circulaient dans les milieux avertis. Le modèle d’Aleph Alpha est loin de tenir sa promesse de devenir une alternative européenne crédible aux modèles de la Silicon Valley comme ChatGPT. Une intelligence artificielle générative censée être « souveraine », car elle est hébergée en Allemagne, et plus transparente, car elle serait en mesure d’expliquer ses résultats.
L’enquête du magazine économique allemand, qui cite de nombreuses sources des milieux d’affaires, révèle que le modèle linguistique développé par Aleph Alpha n’est plus utilisé, ni dans l’industrie ni dans l’administration, en raison de ses piètres performances par rapport à la concurrence, ce que confirme le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Aleph Alpha avait connu un très fort engouement médiatique en novembre dernier, quand la start-up avait annoncé avoir bouclé un round de financement de 500 millions de dollars (466 millions d’euros), sous la direction du groupe Schwarz, le propriétaire des magasins Lidl, auquel participaient de prestigieux acteurs comme le fonds d’investissement de Bosch et le groupe informatique SAP.
Le fondateur de la start-up, basée à Heidelberg (Bade-Wurtemberg), au sud-ouest de l’Allemagne, Jonas Andrulis, un ancien d’Apple âgé de 41 ans, était alors apparu partout dans la presse, les conférences et les podcasts spécialisés. L’histoire était parfaite : un challengeur allemand de l’IA, étroitement lié à l’économie locale, financé par des capitaux allemands. Le ministre de l’économie, Robert Habeck, avait loué l’entrepreneur comme « un exemple magnifique » pour le reste de l’économie.
Tous ont dégrisé. Non seulement le modèle est décevant, mais des doutes ont été formulés sur l’ampleur même de l’investissement, qui pourrait être bien inférieur au demi-milliard annoncé. Une enquête très remarquée de l’ancien journaliste devenu consultant en numérique Thomas Knüwer, parue fin juin, sur le détail de ce financement estime que les montants réellement investis pourraient être cinq fois inférieurs à cette somme. L’enquête a été confirmée par le magazine Capital, mardi 9 juillet.
M. Andrulis, lui-même, a reconnu les limites de son approche. « C’était sûrement une erreur de ne pas avoir réfléchi plus tôt à une stratégie de partenariat. Nous étions très en vue. Nous avions une marque attractive, et tout le monde voulait travailler avec nous », concède-t-il au Manager Magazin, en reconnaissant qu’il n’avait pas eu les moyens de faire fructifier tous les partenariats conclus durant cette période. Il réclame désormais de la patience et promet le lancement prochain d’une nouvelle version de son modèle.