Coup de théâtre au procès d’Alec Baldwin. La juge a interrompu l’audience vendredi 12 juillet et renvoyé les jurés chez eux, à cause de la découverte de nouvelles balles auxquelles la défense n’a jamais eu accès, un vice qui pourrait remettre en cause la procédure.
L’acteur de 66 ans est poursuivi pour homicide involontaire sur le tournage de son western Rust en 2021. Il risque jusqu’à dix-huit mois d’emprisonnement.
Sur le plateau de ce film tourné au Nouveau-Mexique, la star avait brandi une arme censée ne contenir que des balles à blanc mais qui avait tiré un projectile bien réel. Le tir avait tué la directrice de la photographie Halyna Hutchins et blessé le réalisateur Joel Souza.
Marquée par de nombreuses faiblesses et rebondissements, l’enquête n’a jamais établi comment des balles réelles, absolument interdites sur un tournage, ont terminé sur le plateau de Rust. Presque trois ans plus tard, cette question hante désormais le procès de M. Baldwin, et pourrait conduire à son annulation pure et simple. Ses avocats ont formulé un recours en ce sens jeudi soir, en accusant la police d’avoir « enterré » des preuves permettant d’expliquer le drame.
Car en début d’année, deux ans et demi après les faits, le shérif de Santa Fe a reçu un lot de balles de la part d’un ancien policier, affirmant que ces munitions correspondaient à la balle meurtrière. De quoi potentiellement établir son origine et préciser les responsabilités de chacun dans la tragédie. Or ces balles n’ont jamais été transmises à la défense, qui n’a pas pu les faire examiner.
« Il est temps de classer cette affaire », a estimé vendredi matin Luke Nikas, l’un des avocats de Baldwin. Une objection prise très au sérieux par la juge Mary Marlowe Sommer, qui a examiné les balles elle-même avec une paire de gants en latex bleu. La magistrate a congédié les jurés jusqu’à lundi matin, le temps de pouvoir se décider sur une éventuelle annulation du procès.
Selon l’accusation, ces balles ne correspondent pas à celle qui a pris la vie de Mme Hutchins, une prometteuse directrice de la photographie de 42 ans, originaire d’Ukraine. « C’est une fausse piste », a assuré la procureure Kari Morrissey. « Cela n’a aucune valeur probante. » Mais la parquetière a paru très mal à l’aise pour expliquer pourquoi ce lot de balles n’a pas joué un plus grand rôle dans l’enquête. « Je ne les ai jamais vues jusqu’à ce matin », a-t-elle expliqué à la juge, nerveuse.
Appelée à témoigner, Marissa Poppell, une experte technique du shérif de Santa Fe, a expliqué qu’un rapport sur ces munitions avait été rédigé, sans être envoyé au parquet. Elle a également estimé qu’il n’y avait pas de correspondance entre ces balles et celle de l’homicide, malgré une certaine ressemblance visuelle.
La juge doit désormais entendre seule de nouveaux témoins lors d’une audience technique qui décidera du sort du procès. Le fournisseur d’armes du film, Seth Kenney, et une enquêtrice vont être interrogés sur ces balles.
L’armurière de Rust, Hannah Gutierrez-Reed, a déjà été jugée séparément et a écopé de dix-huit mois d’emprisonnement en avril.
Avant ce procès, la défense de M. Baldwin avait déjà multiplié les recours pour obtenir son annulation. L’acteur a toujours expliqué qu’on lui avait assuré que l’arme était inoffensive, et nie avoir appuyé sur la détente. Ses avocats arguent que même s’il l’a pressée accidentellement, cela ne justifie pas une condamnation. Selon les directives de l’industrie cinématographique, ce n’est pas aux acteurs de vérifier qu’une arme est bien sans danger.
Le parquet accuse M. Baldwin d’avoir eu un comportement erratique sur le plateau, en négligeant les règles de sécurité élémentaires et en mettant la pression sur le reste de l’équipe. Mais selon la défense, cette insistance à le poursuivre a vicié l’enquête et conduit la police a négligé certaines pistes.