« “Une bataille après l’autre”, de Paul Thomas Anderson, est devenu un enjeu politique majeur aux Etats-Unis »

A ma gauche « un film antifasciste pour une époque fasciste ». A ma droite « une apologie du terrorisme ». La polarisation des Etats-Unis ne manque pas de carburant. Pourtant voilà que ses hérauts, dans chacun des deux camps, vont en chercher au cinéma. Deux semaines après sa sortie, Une bataille après l’autre, le dixième long métrage de Paul Thomas Anderson, est devenu un enjeu politique majeur, jetant dans le débat des journalistes, des polémistes qui d’ordinaire se préoccupent plus de politique migratoire ou de droits reproductifs.

La pertinence historique d’un film est forcément au moins en partie accidentelle. Des années s’écoulent entre la naissance d’un projet et son apparition dans les salles. Depuis longtemps, Anderson avait fait part de son désir d’adapter Vineland, le roman de Thomas Pynchon paru en 1990, situé en 1984, évocation cryptique de la désillusion qui saisit les militants des années 1980 sous la présidence de Ronald Reagan. Le temps d’écrire un scénario qui n’a plus qu’un lointain rapport avec Vineland, de convaincre Warner Bros. Discovery de financer le film à hauteur de 130 millions de dollars (112 millions d’euros) et Leonardo DiCaprio d’en être la vedette, on était déjà au printemps 2024. Une bataille après l’autre a été tourné pendant la dernière campagne présidentielle américaine, à un moment où son issue restait incertaine.

Les partisans du film y voient le signe de la puissance prophétique de Paul Thomas Anderson, ses contempteurs de l’immuable partialité de Hollywood. Il faut bien convenir que la partie centrale du film, qui montre le méchant colonel Steven J. Lockjaw, incarné par Sean Penn, partir avec ses troupes à l’assaut d’une ville où les migrants sont assurés de trouver refuge, semant le chaos et multipliant les provocations, ressemble furieusement aux reportages venus de Los Angeles ou de Chicago ces derniers mois.

Cette ressemblance (et quelques autres) a suffi pour occuper des térabytes d’éditoriaux, de posts de blogs ou de vidéos. La qualification de « film antifasciste » se trouve dans un éditorial de Michelle Goldberg du New York Times. Sa consœur critique de cinéma Manohla Dargis parle, elle, de « cri de ralliement ». Les commentaires sur les résultats d’Une bataille après l’autre au box-office portent autant sur son efficacité politique (au-dessus de 100 millions de dollars de recettes, on peut espérer que le film aura touché au-delà des convertis) que sur sa rentabilité.

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario