Sophie Thonon-Wesfreid a été l’avocate de plusieurs familles de « disparus » français pendant les dictatures argentine et chilienne. Elle a aussi été l’avocate de l’Etat argentin dans la procédure d’extradition visant l’ancien policier argentin Mario Sandoval, condamné en décembre 2022. Elle apporte pour Le Monde son éclairage sur le fonctionnement de la justice argentine, dans l’affaire des rugbymen français Oscar Jegou et Hugo Auradou, inculpés pour viol aggravé et placés en détention provisoire à Mendoza.
Le droit argentin considère qu’il y a un crime de base : l’abus sexuel. C’est une notion abstraite utilisée pour recouvrir au maximum la multiplicité des comportements criminels en matière de violences sexuelles. Il est défini comme une « agression sexuelle violente qui porte atteinte à la liberté sexuelle d’une personne et à son droit de choisir l’activité sexuelle qu’elle souhaite pratiquer ». Cela implique évidemment qu’il n’y a pas eu de consentement de la victime.
Ensuite, le droit argentin prévoit différentes circonstances aggravantes, qui accentuent la peine. Dans l’affaire des rugbymen français, on parle d’abus sexuel avec deux facteurs aggravants. Le premier est ce que le droit argentin appelle « le rapport charnel », c’est-à-dire une pénétration par voie vaginale, anale ou orale, ce qui correspond à la définition judiciaire du viol en Argentine. Le deuxième facteur aggravant est la réunion, quand le crime est commis par deux personnes ou plus.
La peine la plus basse est de six mois à quatre ans de prison pour un abus sexuel. En fonction des circonstances aggravantes retenues, notamment la réunion, les deux rugbymen français pourraient risquer entre huit et vingt ans d’emprisonnement, ce qui est la peine maximale pour ce type de crime aggravé en Argentine.
L’extradition n’est pas une procédure qui s’applique dans ce cas-là. En l’espèce, on a ici deux Français suspectés d’avoir commis un crime en Argentine, ils relèvent donc de la justice argentine qui les condamnera ou pas et ils seront ensuite incarcérés ou pas en Argentine. Eventuellement, dans le cadre des conventions d’entraide entre polices, et il y en a beaucoup entre la France et l’Argentine, il est possible qu’ils demandent l’exécution de leur peine ou une adaptation de leur peine en étant envoyés en France. Mais tout ça est totalement hypothétique. Attendons déjà que l’instruction argentine ait lieu.