C’est la première heure de course, mais les coureurs la vivent comme leur dernière heure. Rien n’est plus dur, rien n’est plus beau ce vendredi 12 juillet sur la 13? étape du Tour de France que les soixante premières minutes entre Agen et Pau. Fausse étape de transition avant les Pyrénées. Gagnée par le sprinteur belge Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), mais caractérisée avant tout par une échappée d’excitation et de panique, dans une histoire que, pour une fois, il faut raconter par le début, rien que le début.
La folie a des noms, des mots et des gestes. Kilomètre zéro : le Belge Victor Campenaerts (Lotto-Dstny) attaque sans respecter une quelconque forme d’échauffement. Le départ fictif, tracé entre le podium de présentation des coureurs et le kilomètre zéro, remplit déjà cette fonction, comme la zone devant les bus d’équipes où l’on fait monter le cœur sur des vélos statiques.
Victor Campanaerts, rouleur qui ne calcule pas, ancien recordman de l’heure en 2019, est donc le premier à attaquer. Rejoint par le champion du monde Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) et le maillot à pois Jonas Abrahamsen (Uno-X Mobility), un homme qui a passé pratiquement la moitié de ce Tour de France en tête… Se constitue autour d’eux une « échappée royale », avec des coureurs repeints en notables de province, qui ripaillent dans un fumoir. Il faut dire que la route passe à travers les champs de tabac ou les vignes d’armagnac.
« C’est parti dès le coup de pistolet, c’était une super étape ! », explique le Belge Wout van Aert (Visma-Lease a bike), satisfait de cette première heure à allure folle, de ces longs tempos à plus de 50 km/h, comme si le sprint final était au coin de la rue. Pourtant, cet équipier de Jonas Vingegaard a tremblé, comme les autres. La faute à Adam Yates (UAE Team Emirates), le grimpeur britannique incrusté dans l’échappée, au lieu d’attendre le Tourmalet, samedi 13 juillet. A lui seul une garantie d’échappée « royale » car, même sur des terrains peu montagneux, sa cylindrée offre de rouler vite.
Le coup de force de Yates était diabolique pour Vingegaard ou Van Aert, obligés de faire rouler leurs troupes en tête de peloton. Car Yates était 8e au classement général, remonté 7e en cours d’étape, après l’abandon du Slovène Primoz Roglic (Red Bull-Bora Hansgrohe), mal remis de sa chute dans le Massif central jeudi 11 juillet. Si l’écart entre le peloton et l’échappée dérapait, si Yates prenait un peu trop d’avance, le Team UAE-Emirates disposerait de deux hommes en tenaille pour menacer Jonas Vingegaard.