Dix mois de guerre à Gaza ont retardé d’autant l’examen de la responsabilité des dirigeants sécuritaires et politiques d’Israël dans l’écroulement des défenses du pays face à l’attaque menée par le Hamas, le 7 octobre 2023. Cet enjeu, crucial pour l’avenir du pays, s’est politisé au fil des mois. Il est devenu une pomme de discorde. C’est pourquoi l’annonce, le vendredi 12 juillet, des résultats de la première enquête interne menée par l’armée, portant sur une seule des localités israéliennes envahies ce jour-là, le kibboutz de Beeri, a fait l’effet d’une déflagration.
Le calvaire vécu par Beeri est sans équivalent, ce jour-là : 101 personnes – des résidents et des visiteurs – y ont été tuées et trente enlevées et emmenées à Gaza. Au total, l’attaque a fait près de 1 200 victimes israéliennes et 250 personnes ont été capturées. Les enquêteurs ont établi une vaste série d’échecs, qui vont de l’état d’impréparation des forces armées stationnées autour de Gaza à leur réponse, tardive et chaotique, à l’assaut du Hamas. Ils déchargent aussi un haut gradé, le général Barak Hiram – qui a autorisé un char à faire feu sur une maison où des membres du Hamas détenaient 14 otages – de toute responsabilité dans les morts causées par ce tir et l’attaque qui a suivi.
Les enquêteurs ont salué l’action de cet officier, qui a dirigé les combats de Beeri, et jugé « professionnelle et responsable » sa décision. Dans une interview au New York Times, le général Hiram avait affirmé, en décembre 2023, avoir ordonné à ses forces « d’entrer [dans la maison], même au prix de pertes civiles ». Il avait estimé que les tirs d’obus légers du char perceraient un mur extérieur, « sans nécessairement tuer tout le monde à l’intérieur ».
Selon l’armée, ce bombardement a probablement tué au moins un captif et en a blessé un second. Puis, entendant des tirs à l’intérieur et craignant pour la vie des otages, des officiers ont lancé l’assaut. Seuls deux otages ont survécu. Selon l’enquête, la plupart de ceux qui ont péri pendant cette attaque ont cependant été assassinés par leurs geôliers.
Cet épisode a soulevé un douloureux débat en Israël sur les efforts faits par l’armée pour protéger les civils. Le 7 juillet, le quotidien de gauche Haaretz a affirmé qu’une série d’ordres délivrés ce jour-là, y compris par l’état-major, et s’appliquant à plusieurs zones de combats aux alentours de Gaza, répondaient à la « directive Hannibal ». Une procédure par laquelle l’armée aurait assumé le risque de tuer elle-même des soldats, afin d’éviter qu’ils ne soient capturés par l’ennemi, et aurait aussi mis en danger des civils. Le journal n’a pas trouvé trace de morts israéliennes causées par ces ordres.