Pendant mon enfance, dans les années 1950, j’ai passé un an dans une école aux Pays-Bas. Je suis rentré aux Etats-Unis avec la conviction que la devise nationale des Néerlandais était « Nous ne sommes qu’un petit pays ». Bien qu’à l’époque je n’avais que 9 ans, j’ai compris que les Etats-Unis, mon pays natal, occupaient une tout autre place dans le monde. Avec nos armes nucléaires, nos voitures hypertrophiées et nos dollars qui valaient chacun quatre guldens, nous étions sans aucun doute une grande puissance.
Or, la France, que j’avais découverte pendant d’autres séjours familiaux à l’époque, n’était pas alors dans le même cas que les Pays-Bas. En 1958, Charles de Gaulle, qui avait écrit que « la France ne peut être la France sans la grandeur », prend le pouvoir. Deux ans plus tard, l’explosion de la première bombe atomique française montrait que le pays voulait toujours compter comme une « grande puissance ». Ma mère ne s’intéressait pas à ces questions-là, mais, après notre retour aux Etats-Unis, quand mon école américaine m’a placé dans une classe d’espagnol pour l’apprentissage des langues étrangères, elle a protesté : « Il faut que mon fils apprenne une langue sérieuse. Mettez-le dans la classe de français. » Son intervention reflétait le prestige de la culture française.