Histoire d’une notion. Une tactique politique ou un soupçon qui suffit à jeter le trouble ? Sorti des limbes de l’histoire de l’extrême gauche, l’entrisme est devenu une accusation courante en politique, comme en témoigne son usage récent, appliqué à l’islamisme.

Pourtant, le terme est intrinsèquement lié à l’histoire du mouvement ouvrier. En France, la pratique naît en 1934. Pour remédier à l’isolement de ses militants, Léon Trotski, exilé en France depuis 1933, conseille aux membres de la Ligue communiste d’entrer à « drapeau déployé » parmi les socialistes de la Section française de l’internationale ouvrière. Ces derniers y créent une éphémère tendance, le groupe bolchevique-léniniste. Après-guerre, d’autres modalités d’action émergent, celles d’un entrisme sui generis par lequel les militants trotskistes adhèrent au Parti communiste en cachant leur appartenance et en endossant, donc, les habits des « stalinistes » qu’ils exècrent. De moyen temporaire, l’entrisme devient une tactique au long cours, qui vise également les partis de masse sociaux-démocrates.

Dans les années 1970, les trotskistes « lambertistes » seront friands de la pratique, cultivée dans l’espoir d’occuper de hauts postes au sein du Parti socialiste (PS). Elle culminera avec l’exemple de Lionel Jospin, dit « Michel », recruté par l’Organisation communiste internationaliste (OCI) alors qu’il était élève à l’ENA ; il gardera des relations avec le parti lambertiste après avoir rejoint le PS au début des années 1970, comme le révèle Le Monde en 2001. De cette époque vient l’imaginaire clandestin d’un « entrisme » synonyme de noyautage, riche en figures de l’ombre et doubles appartenances. Ou la politique comme un roman d’espionnage. Pour Denis Sieffert et Laurent Mauduit, auteurs de Trotskisme. Histoires secrètes. De Lambert à Mélenchon (Les Petits matins, 2024), vu le bilan qu’on peut désormais en tirer, ces pratiques participent d’une ambition somme toute modérée qu’ils résument ainsi : « Peser un peu, mais en restant une organisation de l’ombre. »

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