Budget de la « Sécu » : à l’Assemblée, le douloureux apprentissage du compromis

C’est un tour de force. A 13 voix près, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a été approuvé, mardi 9 décembre, par les députés. Un scrutin inédit : pour la première fois depuis 1958, un texte budgétaire est voté par une Assemblée fragmentée où le gouvernement n’a ni la majorité ni l’arme du 49.3, dont il s’est volontairement privé afin d’ouvrir une négociation avec les oppositions et de tenter d’échapper à la censure. Inédit aussi dans la ventilation des votes, les partis d’opposition ? socialistes et écologistes ? votant pour ou s’abstenant, quand une partie du « socle commun » ? Horizons et Les Républicains (LR) ? a fait le choix de ne pas soutenir le texte, en s’abstenant.

Pour Sébastien Lecornu, à la recherche opiniâtre d’un improbable compromis, et sa discrète méthode des « petits pas », c’est un premier succès. Le premier ministre a réussi là où ses deux prédécesseurs, François Bayrou et Michel Barnier, ont échoué. Ce dernier, renversé en décembre 2024 sur le budget de la Sécurité sociale, avait remis son sort entre les mains du Rassemblement national (RN). M. Lecornu a préféré se tourner vers les socialistes, avec lesquels il a su engager une négociation jugée « loyale » par les deux parties.

Le vote de mardi soir est aussi une victoire pour le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, qui fait coup triple : obtenir des concessions sur le fond, dont la suspension de la réforme des retraites, un totem pour ses électeurs ; démontrer que le PS, affaibli et marginalisé depuis 2017, est resté un parti de gouvernement ; se détacher des encombrants « insoumis » et tenter de retrouver une position centrale, à trois mois des municipales.

Ces victoires politiques ont un prix. Sur le fond, le texte ne satisfait personne, même si les groupes ayant contribué à son adoption ont chacun pu revendiquer des gains par rapport à la copie initiale. La droite, LR et Horizons, s’inquiète de l’abandon de la réforme des retraites et d’un déficit qui approche les 20 milliards d’euros, tout en regrettant le peu d’économies. En privé, les macronistes évoquent eux aussi un « compromis boiteux ». Mais quoi qu’il leur en ait coûté, les députés, hors ceux de La France insoumise et du RN, qui ont voté contre, ont préféré faire le choix de la responsabilité et de la stabilité, refusant d’alimenter l’incertitude et la crise politique, comprenant que de la lassitude à la défiance et au rejet ? qui alimentent l’extrémisme ?, il n’y a qu’un pas.

Un échec aurait en outre été un mauvais signal pour le Parlement ? qui aurait montré son incapacité à dégager des majorités, et donc, potentiellement, son inutilité ? et la démocratie représentative, de plus en plus attaquée. Ce douloureux compromis peut-il servir de mode d’emploi pour la suite, sur une scène politique qui pourrait être durablement atomisée, y compris après 2027 ? Il est trop tôt pour le dire. Mais il n’est pas impossible que cette « expérience démocratique », comme l’appelle la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, contribue à faire évoluer la culture parlementaire française, voire prépare les esprits à de futurs « contrats de coalition », comme c’est la règle chez certains de nos voisins.

Les obstacles sont encore nombreux. D’abord parce que ce vote n’est pas conclusif : le texte repart au Sénat, avant de revenir la semaine du lundi 15 décembre à l’Assemblée, où il devra être de nouveau voté. Ensuite, et surtout, parce qu’il ne garantit nullement une adoption du budget de l’Etat, pour lequel une majorité semble plus difficile encore à trouver.

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