Mercredi 24 décembre, l’Assemblée populaire nationale, la chambre basse du Parlement algérien, a adopté à l’unanimité une proposition de loi criminalisant la colonisation française en Algérie, de 1830 à 1962. Sans hiérarchie et sans cohérence juridique, elle mêle l’accaparement du trésor de la Régence aux essais nucléaires et chimiques, la torture et les disparitions forcées à l’établissement arbitraire d’un état civil. Ce texte oblige l’Etat algérien à utiliser tous les moyens juridiques et juridictionnels pour obtenir de la France une reconnaissance et des excuses officielles.
Il affirme aussi le droit de l’Etat et du peuple algériens d’obtenir réparation de tous les dommages causés par la colonisation. Cependant, le texte se garde bien d’imposer une quelconque obligation à l’Algérie d’agir en ce sens, comme si les députés algériens étaient soudainement conscients de la difficulté de la tâche même s’il existe des précédents comme les excuses de l’Italie à la Libye, en 2008.
Ce texte s’inscrit dans un mouvement de fond des anciens pays colonisés qui réclament la restitution d’archives, d’œuvres d’art, de restes humains et des excuses aux anciennes puissances coloniales. Cependant, c’est en le replaçant dans le contexte de la relation bilatérale avec la France et le climat politique interne algérien qu’on peut tenter d’en saisir le sens.
Cette proposition de loi est l’expression d’une exaspération à l’égard du discours négationniste de l’extrême droite et d’une partie de la droite françaises sur la colonisation et de la désignation des Français et immigrés de confession musulmane, les (Franco-)Algériens en particulier, comme des ennemis de l’intérieur. Au-delà, c’est probablement l’ensemble du basculement de la politique maghrébine de la France en faveur du Maroc qui est visé.
Il est cependant frappant de constater que les députés algériens agissent comme si rien n’avait été réalisé ces dernières années, avec toutes les limites et critiques connues, concernant le contentieux historique. De plus, ils ne prennent en compte ni la densité des relations humaines, culturelles et économiques entre les deux pays, ni la situation internationale de l’Algérie, ni la montée de l’extrême droite en France.