Une grosse centaine de manifestations et plus de 700 artistes invités dans 50 lieux de Montpellier et de sa métropole, du 8 au 20 juillet : Le Nouveau Festival Radio France Occitanie Montpellier peut se targuer d’avoir résolument tourné la page covidienne, affichant fièrement, à l’heure où beaucoup n’ont pas encore retrouvé leurs marques, un triplement de la fréquentation du public par rapport à la période prépandémique et des concerts à la jauge bien garnie.
C’est le cas du Corum, qui accueillait, mercredi le 10 juillet, l’Orchestre philharmonique de Radio France et son chef, Mikko Franck. Disséminés sur le plateau à l’intérieur du corpus orchestral, tels des bébés patous au sein d’un bienveillant troupeau de brebis, des figures juvéniles attirent l’attention. Ils forment la vingtaine de jeunes musiciens venus de toute l’Europe, qui ont été choisis après audition pour participer à la nouvelle académie de l’orchestre, dont la mission favorise l’intégration professionnelle.
C’est avec un programme de rêve qu’ils entrent dans la carrière, et sans doute se souviendront-ils longtemps d’avoir ouvert leurs bras mahlériens aux premiers Kindertotenlieder (« chants des enfants morts ») de Marianne Crebassa. Un moment très attendu. Ne serait en effet La Clemenza di Tito, de Mozart, qu’elle chantera en version de concert le 21 juillet au Festival d’Aix-en-Provence, après la création, en 2023, du dernier opéra de chambre de George Benjamin, Picture a Day Like This, dont une reprise est prévue en octobre à l’Opéra-Comique, la mezzo française de 37 ans mène une carrière prestigieuse mais discrète. Mais la Montpelliéraine d’adoption, qui a fait ses études au conservatoire de la métropole et ses débuts ici même, a toujours été au rendez-vous.
Car c’est peu de dire que cette musique lui tombe naturellement dans la voix. Graves capiteux, médiums veloutés, aigus ronds ou filés au bord des larmes, les inflexions mahlériennes se lovent dans ce timbre de pleureuse antique, qui déroule avec un art prosodique au bord de l’expressionnisme la sombre dramaturgie des cinq poèmes choisis pour être mis en musique par Gustav Mahler sur les 428 que Friedrich Rückert écrivit après la disparition de ses enfants. Le concert est d’ailleurs dédié à la soprano belge, Jodie Devos, trop tôt disparue, à l’âge de 35 ans le 16 juin.
Dans sa sobre et élégante robe longue aux couleurs de fumée, Marianne Crebassa est à la fois mère et vestale. La conduite de la ligne, la longueur de la voix, les inflexions tour à tour appuyées ou allégées combinent avec intelligence expression musicale et théâtre du silence. Autour d’elle, Mikko Franck dirige au présent du drame, soulignant telle franchise acerbe et douloureuse des bois, les appels désespérés des cors, les orbes berceurs de la harpe, ou le tendre tamis des cordes de la consolation. Les enfants disparus ne reviendront pas. Ils ont péri dans la tempête, « désormais protégés par la main de Dieu ». Une émotion dernière étreint la voix de la cantatrice et le public bouleversé.