La première fois que j’ai cherché un logement pour mes études, je me suis confronté à une longue galère. A 18 ans, je sortais du lycée et j’avais été accepté dans une licence d’éco-finance à Lille. Originaire de région parisienne, je devais donc déménager. Je me suis mis à prospecter pour un appartement. J’avais téléchargé toutes les applications possibles et imaginables. Je recevais des alertes tous les jours et je postulais très rapidement. Mais je n’obtenais la plupart du temps que des refus, avant même de pouvoir visiter. Et encore, il arrivait aussi que je ne reçoive pas de réponse du tout. Cela a duré cinq mois, de septembre à janvier. Durant ces cinq mois, je n’ai eu accès qu’à sept ou huit visites d’appartement.
Je ne comprenais pas. J’avais un bon dossier, avec un garant solide, mon père, chef d’entreprise, gagnant plus de 70 000 euros brut par an. Pensant que cela pourrait aider, j’avais même décidé de changer mes critères de recherche, en augmentant mon budget à 800 euros mensuels contre 600 initialement, mais cela n’avait pas été non plus concluant. Alors certes, Lille est une ville dense avec beaucoup d’étudiants et de jeunes actifs. Mais je voyais bien que les étudiants autour de moi n’avaient généralement pas pris plus de deux mois pour trouver un appartement. Je me suis alors dit que ma couleur de peau y était certainement pour quelque chose. Mon prénom ne laisse pas paraître que je suis noir, mais ma carte étudiante avec ma photo, présente dans mon dossier, ne trompait pas.
Je ne pourrais pas attester à 100 % que c’est la raison des refus que je recevais à la pelle. On ne me l’a jamais rétorqué de vive voix pendant une visite. Pour autant, j’ai vite compris qu’en tant que jeune homme noir je devais plus m’apprêter pour espérer qu’on prenne juste mon dossier. Quand j’arrivais face à certains agents immobiliers, je les sentais réticents. Je ne pouvais que constater une différence de traitement entre moi et les autres qui étaient là, l’impression qu’ils n’avaient même pas envie de voir mon dossier, alors que j’avais le même âge que les personnes qui visitaient avec moi. J’essayais alors de ne pas ressembler à un jeune étudiant, avec un jean et des baskets, et de m’habiller plus classe pour me démarquer.
Pendant ces mois de recherche, j’étais hébergé par un ami, mais cela devenait très inconfortable. J’étais gêné de m’imposer comme cela, et j’avais aussi de plus en plus envie d’avoir mon chez-moi. Je me levais plus tôt, avant d’aller en cours, pour envoyer des mails de demandes. Je consacrais une heure le matin, une heure le soir à ce mailing. En fin de journée, j’allais régulièrement dans les agences pour leur demander s’il y avait du nouveau. Ce n’était pas évident en étant dans une nouvelle ville, tout seul. Gérer ça en plus de la pression des cours, des premiers pas à l’université n’a pas été facile.