« Une singularité », de Bastien Hauser : tempête cosmique sous un crâne

« Une singularité », de Bastien Hauser : tempête cosmique sous un crâne

Il n’y a peut-être pas de planète B habitable. Il y a, en revanche, de somptueux espaces littéraires où migrer quand l’air, ici-bas, devient étouffant. C’est ce que l’on se dit à la ­lecture d’Une singularité, premier ­roman de Bastien Hauser, aussi singulier que son titre le promet. Abel Fleck, son jeune prota­goniste, se réveille un jour d’avril 2019 sur le sol de la cuisine de Sasha, son ex-fiancée. Victime d’un AVC, diagnostiquent les médecins, il doit être suivi de près, jusqu’à ce qu’il ait récupéré la quasi-totalité de ses capacités.

Mais absences, pertes de mémoire, confusions, bourdonnements dans la tête, impressions de déjà-vu s’ensuivent, et Abel n’en dira rien : ni au corps médical, ni à ses proches amis. Pourquoi ? Parce qu’il a appris, d’un inconnu rencontré dans une boîte de nuit, qu’on vient de photographier pour la première fois un trou noir, M87*. Un trou noir – ou « singularité gravitationnelle » ? « Un point de l’espace-temps si dense, si recroquevillé sur lui-même qu’il absorbe tout ce qui s’en approche, un point d’où même la lumière ne peut s’échapper, un point dans le monde où le monde disparaît », découvre-t-il en se documentant sur le sujet.

Et si le cerveau d’Abel était lié à ce trou noir ? N’a-t-il pas été photographié le jour même de son AVC ? Et si l’hématome cérébral qui lui est resté était littéralement M87* ? Le jeune homme en est ­certain, tant sont flagrantes les coïncidences entre l’activité du phénomène et celle de son cerveau. Impossible, évidemment, d’en parler à qui que ce soit, de peur d’être pris pour un « animal de foire ». Impossible aussi, de rester auprès de ses amis, de peur de les absorber à leur tour dans un néant destructeur. Dans ces conditions, où aller et que devenir ?

Bastien Hauser, auteur et metteur en scène né à Nyon (Suisse) en 1996, réussit un remarquable mélange des genres – scientifique, métaphysique et romanesque –, où le questionnement sur le sens de l’existence rejoint les interrogations sur l’Univers. Ici, le cosmos s’invite à Bruxelles, où se situe le récit, et le terrestre se délite dans un espace céleste non fantasmé, régi par des lois qu’une écriture à la fois factuelle et ­poétique s’emploie à saisir progressivement. Nourri de sources scienti­fiques savamment vulga­risées, comme cette rencontre ­entre le protagoniste et le (réel) physicien chilien Claudio Bunster, le roman illustre la beauté parfois sidérante des découvertes de ­l’astrophysique.

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