Le Hamas nie sa mort. Israël ne peut la confirmer. Lundi 15 juillet au matin, Mohammed Deif demeure un fantôme. Pour la neuvième fois au moins en quatre décennies, l’Etat hébreu a visé samedi le chef de la branche armée du Hamas, dans une série de frappes d’une rare violence menées sur la zone côtière sud de Gaza.
Au cœur de la région d’Al-Mawasi, définie par l’armée comme un refuge pour les déplacés gazaouis, ces frappes ont fait au moins 90 morts, pour moitié des femmes et des enfants, et 300 blessés, selon le ministère de la santé de Gaza, administré par le Hamas. Cela les classerait parmi les plus létales du conflit. Samedi, la Défense civile palestinienne a aussi fait état d’une vingtaine de personnes tuées dans une frappe dans le camp de réfugiés d’Al-Shati dans l’ouest de la ville de Gaza, sur un lieu de prière.
Ce coût humain immense est passé cependant presque inaperçu en Israël, dans le dixième mois d’une guerre où l’armée a fait voler en éclats toute notion de proportionnalité dans ses frappes. L’un des orchestrateurs de l’attaque du 7 octobre 2023, a été visé au côté du chef de la brigade de Khan Younès, Rafa Salama, dont l’armée a confirmé la mort dimanche.
Un haut responsable en exil du Hamas, Khalil al-Hayya, a affirmé à la chaîne Al-Jazira que Mohammed Deif était bien vivant, sans que le mouvement ne fournisse de preuves. L’armée israélienne dit avoir localisé les deux hommes à l’ouest de Khan Younès, dans un enclos muré, sous le couvert d’arbres, dont elle affirme que des gardes du Hamas tenaient les déplacés à l’écart.
Un si vaste espace relativement vide et clos est chose rare dans cette zone, où environ un million et demi de personnes se serrent, selon l’Organisation des Nations unies (ONU), dans d’immenses villages de tentes poussiéreux, soumis à des conditions d’hygiène insalubres, à la faim et à la soif. L’attaque a eu lieu près d’une rare station de distribution d’eau potable et de nourriture.
Selon la radio de l’armée, Mohammed Deif s’était réfugié dans le sud de l’enclave dès avant l’entrée des troupes israéliennes, à la fin octobre 2023. Il est demeuré depuis lors entre Khan Younès, sa ville natale, et Rafah, pour l’essentiel sous terre, dans le vaste réseau de tunnels dont il avait supervisé la construction durant deux décennies. Il y a plongé avec une partie de ses combattants après la riposte attendue, et d’une violence sans précédent, d’Israël, abandonnant deux millions de civils gazaouis à leur sort.
Jusqu’en avril, l’infanterie s’était déployée durant des mois à Khan Younès, jusqu’à se positionner à quelques centaines de mètres du complexe où elle a tenté de le frapper samedi. Toujours selon la radio de l’armée, Mohammed Deif aurait continué au fil du conflit de superviser tant bien que mal les opérations des brigades du Hamas, ce qui expliquerait sa rencontre avec Rafa Salama le 13 juillet. Ce n’est que récemment qu’il se serait autorisé à émerger à l’air libre. A Gaza, très rares sont ceux qui sauraient reconnaître le visage de Mohammed Deif, homme de l’ombre, s’il se trouvait devant eux.