Pierre Jacquet, économiste : « De nouvelles formes d’élaboration et d’évaluation des politiques publiques sont nécessaires »

Les élections législatives ont apporté un ensemble de clarifications salutaires.

Premièrement, le vote des Français, dont la légitimité est renforcée par le niveau élevé de participation, a exclu une majorité forte pour l’extrême droite. Après les craintes suscitées par le résultat des élections européennes, c’était une clarification d’autant plus nécessaire que l’incertitude en la matière paraissait forte.

Les résultats du second tour montrent la capacité de la société, malgré ses lourdes divisions et les défis auxquels elle fait face, à résister aux sirènes d’un parti dont les valeurs restent contraires aux valeurs collectives qui ont fait la France.

Ils montrent aussi cependant que l’adhésion à ces valeurs collectives a été durablement fragilisée. La responsabilité de ceux qui les portent, et leur devoir essentiel de faire en sorte qu’elles soutiennent la justice sociale et l’éthique environnementale, est aujourd’hui énorme.

Deuxièmement, les Français ont choisi de diviser l’Assemblée en trois blocs de taille à peu près équivalente : chacun de ces blocs est à la fois « gagnant » et « perdant ». Le Rassemblement national (RN) a gagné en nombre de sièges, mais ses résultats sont très en deçà de ses attentes et des prévisions des sondages ; le Nouveau Front populaire (NFP) a réussi une percée remarquable et arrive en tête, mais il ne dispose pas d’une majorité (à laquelle personne d’ailleurs ne s’attendait) ; et Renaissance a perdu sièges et influence, mais arrive en deuxième position. Il y a bien clarification : ni la politique actuelle de la majorité présidentielle, ni les programmes proposés par les autres forces politiques ne suscitent de majorité en leur faveur.

Il faut donc trouver, par le débat et le compromis, la ligne politique susceptible de recueillir l’assentiment d’une majorité de citoyens, représentés par leurs élus. Cela suppose d’accepter de mettre en débat plusieurs idées et visions qui ne sont pas mutuellement compatibles, et de faire des « programmes » non pas des totems, mais des propositions et des supports de vision sociétale.

Cela requiert un apprentissage difficile, d’autant qu’il implique directement des femmes et des hommes politiques généralement rompus à la culture de l’invective, qui considèrent qu’il s’agit là de leur métier, et qui peinent à franchir le cap, comme en témoignent la plupart de leurs réactions depuis l’élection.

Troisièmement, la viabilité des finances publiques est une contrainte majeure qui réduit l’espace du « faisable ». Nos problèmes budgétaires proviennent largement d’une approche cumulative des besoins de dépenses publiques, et la tentation est grande d’écarter toute proposition de réorientation comme une nouvelle dépense s’ajoutant à l’existant. Mais deux tiers des électeurs ne se satisfont clairement pas de l’existant.

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