C’est le paroxysme de semaines de tensions exacerbées. Jeudi 15 août au matin, un homme a été tué au cours d’affrontements avec les gendarmes mobiles à Thio, berceau de l’activité minière en Nouvelle-Calédonie, mais aussi haut lieu de la lutte indépendantiste des années 1980.
A l’aube, des militants de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), organisation indépendantiste au cœur de la mobilisation, avaient, selon le procureur de la République Yves Dupas, érigé un nouveau barrage à la tribu de Saint-Pierre. Or, l’axe avait été dégagé « depuis plusieurs jours, grâce au travail des responsables coutumiers, souligne le commandant de la gendarmerie, le général Nicolas Matthéos. On est donc intervenu, pour empêcher toute tentative de reblocage de l’axe. »
C’est lors de cette intervention que l’homme de 43 ans a été mortellement blessé à la jugulaire au cours d’échanges de tirs avec les gendarmes. Un autre homme a été grièvement blessé et son pronostic vital est engagé, un gendarme avait quant à lui été touché au visage par une pierre un peu plus tôt dans la journée.
Ce décès a aussitôt enflammé la commune. Des installations de la Société Le Nickel (SLN) à la mine du Plateau ont été détruites. Jeudi soir, des maisons de cadres de l’entreprise, nés sur la commune, étaient en train de brûler.
Si dans la grande majorité du territoire, la mobilisation contre le dégel du corps électoral, qui a dégénéré en émeutes le 13 mai, a nettement marqué le pas, Thio, à l’instar de la tribu de Saint-Louis dans la banlieue de Nouméa, ou de la commune de Poya (province Nord), fait partie des « points chauds » de l’archipel.
La sécurité est si précaire dans la commune de 2 500 habitants que le dispensaire a fermé ses portes fin juillet, tout comme l’unité de dialyse. Pour se soigner, les habitants qui le peuvent – tous les transports en commun du territoire sont à l’arrêt depuis le 13 mai – doivent emprunter les quarante-sept kilomètres de la route sinueuse qui traverse la chaîne montagneuse pour rejoindre le village de Boulouparis, sur la côte est.
Ailleurs sur le territoire, la mobilisation a nettement marqué le pas ces dernières semaines, à l’appel de la CCAT et de responsables du Front de libération nationale kanak et socialiste. Mais à Thio, la CCAT locale a cessé de suivre les mots d’ordre de la « CCAT nationale », jugée trop molle. Une radicalité liée notamment à l’histoire du village. Bastion loyaliste de la côte est avant les événements des années 1980, Thio a été « prise » au tout début de la quasi guerre civile qui a ravagé l’archipel, au terme d’un véritable siège mené en 1980 sous la houlette d’Eloi Machoro et qui a conduit à l’évacuation sans retour de la quasi totalité de la population européenne vers la côte ouest. Cinq ans plus tard, lorsque Eloi Machoro est tué par les forces de l’ordre en 1985, le village devient un fief indépendantiste.