Du soja à toutes les sauces

Quand on se rend à l’heure du déjeuner dans la fabrique de sauce soja Yugeta, dans le nord-ouest de Tokyo, on passe d’abord par la cafétéria, à l’étage, pour se sustenter. Le plateau-repas est assez éloquent. Dans une myriade de petits bols et assiettes, on découvre de l’edamame (les savoureuses fèves de soja en cosses, généralement grillées) ; un bouillon parfumé au miso (de la pâte de soja fermenté) ; du tofu (parfois décrit comme du « caillé » de soja) ; et même du natto (du soja fermenté dont la texture gluante désarçonne les Occidentaux). Pour assaisonner le tout, l’établissement propose une ribambelle de sauces maison, réalisées à partir de soja bio. Et en dessert ? Un sorbet blanc et doux d’une étonnante délicatesse, évidemment parfumé au soja.

L’omniprésence de la légumineuse ne tient pas au fait qu’on déjeune dans une fabrique spécialisée. Au Japon, le soja est partout. Le tofu, le miso, le natto… apparaissent dans toutes les assiettes, depuis le petit déjeuner des auberges de campagne jusqu’aux dîners des izakaya (les « bars à manger ») branchés de la capitale nippone.

C’est un ingrédient indispensable au pays, décliné à l’envi et consommé quotidiennement. Riche en protéines, ce substitut à la viande est d’ailleurs aussi l’un des piliers de la cuisine végétarienne shojin ryori élaborée il y a près de mille cinq cents ans par les moines bouddhistes, que l’on retrouve toujours dans certains temples ou restaurants de l’Archipel.

Dans la cafétéria de la fabrique, qui a conservé des méthodes artisanales, on est surtout surpris par le raffinement des sauces maison. Oubliez la sauce soja sucrée – une hérésie pour les gourmets japonais –, spécialement créée pour les Français au milieu des années 2000 par la multinationale nippone Kikkoman. Les produits proposés ici à des tarifs abordables (à partir de 5 euros la bouteille) n’ont rien à voir avec les versions industrielles généralement consommées dans l’Hexagone. Certains sont d’une grande complexité aromatique, à la fois acides, amers et boisés. D’autres révèlent de savoureuses notes fumées.

« Dans notre fabrique, les sauces sont élaborées grâce à un processus de fermentation naturelle dans des fûts en bois pendant plus d’un an, explique le patron, Yohichi Yugeta, petit-fils du fondateur, resté fidèle aux saveurs d’origine. Nous sommes l’une des rares sociétés à vendre des sauces non pasteurisées, qui se conservent moins longtemps mais sont riches en micro-organismes. Elles sont bénéfiques pour la santé et ont une plus grande longueur en bouche. »

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